Les modes constructifs face aux extrêmes

Les modes constructifs face aux extrêmes

Conception, urbanisme… la construction et la rénovation se mobilisent pour faire face aux changements climatiques




Issu des travaux de la Convention citoyenne pour le Climat, le projet de loi portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, voté au Sénat fin juin, doit encore passer en commission mixte paritaire le 12 juillet. Ce texte concerne aussi bien les transports que le bâtiment, et notamment la rénovation des logements, afin d’extraire des millions de ménages de la précarité énergétique... Entre les sénateurs et le gouvernement, les désaccords sont nombreux, les premiers ayant rogné le contenu proposé. Les discussions risquent finalement de renvoyer le projet de loi à l’automne en session extraordinaire. Les points de vue exprimés au cours des débats montrent à quel point la société a du mal à s’adapter aux changements climatiques.


Canicules, épisodes de sécheresse, tempêtes, inondations… les caprices du climat impactent le secteur du bâtiment, des terrains au bâti, en passant par le confort et la sécurité des occupants. Fort de ce constat, l’association Qualitel (engagée pour la qualité de l’habitat des Français) réclame que le secteur de la construction comme celui de la rénovation prennent désormais en compte des événements imprévisibles. « Les bâtiments doivent traverser plusieurs décennies et seront donc soumis à des conditions climatiques futures difficiles à anticiper mais qui s’annoncent a priori plus sévères », parie l’association. Qualitel suggère des solutions : « la stratégie à adopter face aux inondations peut par exemple être améliorée au fil du temps en choisissant des matériaux résistants à l’eau sur les étages concernés, et en réfléchissant au meilleur positionnement des équipements ; les effets du réchauffement climatique et des canicules plus fréquentes et intenses peuvent être atténués en ajoutant des volets ou des masques sur les façades, etc. ».


Le réchauffement en question


En moyenne dans l’Hexagone, la température normale en été est de 19,9 °C. Depuis 1900, les 5 étés les plus chauds se sont produits au 21e siècle avec (par ordre chronologique) 2003, 2015, 2018, 2017, 2019. « En France, nous avons, à juste raison, beaucoup travaillé sur les économies de chauffage et d’étanchéité des bâtiments, mais aujourd’hui, face au réchauffement climatique et aux canicules à la fois plus fréquentes et plus longues, il est temps de s’intéresser de près aux consommations d’énergie liée à l’utilisation de la climatisation », affirme Hervé Lamy, délégué général d’Actibaie. La RE2020 traite le confort d’été pour le marché du neuf. Mais le sujet concerne aussi et surtout la rénovation.

 

« Nous proposons la mise en oeuvre de solutions passives afin de réduire les consommations d’énergie liées à la climatisation, et notamment au recours des protections solaires », avance Hervé Lamy. En hiver, les baies et leur paroi vitrée captent la chaleur, avec les effets positifs sur le confort des occupants, mais en été, l’effet inverse se produit. « Les solutions de volets et de stores permettent de faire varier les performances de la fenêtre », argumente-t-il. L’automatisation et les scénarios orchestrant le recours aux protections solaires suivant la météo et l’ensoleillement de la façade optimisent les résultats. « Nous ne sommes pas opposés à l’utilisation de la climatisation, essentielle dans certains cas, mais des simulations ont démontré qu’il était aisé de réduire de 5 °C l’intérieur des bâtiments grâce aux solutions de protection solaire », précise encore Hervé Lamy. Pour lever les freins, « nous développons des programmes de formation afin de sensibiliser les professionnels et nous militons pour que les incitations financières accordées par les pouvoirs publics prennent en compte le confort d’été », ajoute-t-il.

 

 

Tests et essais aux vents cycloniques

 

Profils Systèmes est présent dans les DOM-TOM avec un dépôt en Guadeloupe et un client en Martinique notamment. « Nos produits – frappes, coulissants, volets roulants extrudés, pergolas – sont testés pour résister aux vents cycloniques jusqu’à 268 km/h et environ 240 km/h pour les fenêtres », assure Aymeric Reinert, directeur général de Profils Systèmes. De nombreux éléments sont renforcés : le nombre de points de fermeture, l’étanchéité à l’eau, etc. « Plus la pression du vent s’exerce, plus l’ouvrage doit être étanche à l’eau », rappelle-t-il. Dans les DOM-TOM, les frappes et les coulissants sont conçus avec des profilés sans rupture de ponts thermiques, inutiles compte-tenu du climat, les efforts de l’industriel se concentrent au contraire sur la ventilation.

 

Profils Systèmes © Aurélien Brusini

 

Renson qui ne cache pas ses ambitions internationales a fait tester sa pergola Camargue (structure en aluminium et toiture en lames sans inclinaison) en 2018 dans les régions sujettes aux ouragans en Floride (USA), où les exigences en matière de résistance au vent et de portance sont sévères. La pergola à lames orientables (jusqu’à 150°) a subi avec succès tous les tests "Miami Dade", valables pour l’ensemble des USA : des charges de vent de plus de 200 miles/h, soit 320 km/h et une portance jusqu’ à 40 psf ou 200 kg/m². Pour rappel, les lames de la pergola Camargue sont conçues pour évacuer l’eau de pluie latéralement par les colonnes, même en cas d’ouverture après une averse et peut être installée de plusieurs façons (autoportantes, montées contre un mur extérieur ou dans une toiture existante) et équipée de nombreuses options, allant de stores résistants au vent à des panneaux coulissants (vitrés).

 

 

Surchauffe urbaine


La surchauffe urbaine s’installe au sein des préoccupations. Face à cette problématique conditionnant la résilience des villes et métropoles de demain, le Cerema (Centre d’études et d’expertises sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement) s’implique en intégrant la gestion d’Îlots de Chaleur Urbain (ICU), le confort thermique diurne en été et accompagne les territoires face à un enjeu de santé publique.

 

Le Cerema évoque le phénomène d’Îlot de Chaleur Urbain (ICU), qui, explique-t-il, « consiste en un écart de quelques degrés en température d’air, habituellement de 2 à 6° C mais potentiellement plus important dans des conditions extrêmes, entre les centres-villes densément bâtis et artificialisés et les zones rurales aux caractéristiques d’occupation du sol à dominante naturelle ». L’écart est plus prégnant la nuit, et en cas de canicule pendant plusieurs jours successifs. En outre, fait remarquer le Cerema, « le manque de rafraîchissement nocturne en ville est source d’impacts défavorables sur la santé des populations sensibles ».

 

Au contraire, au cours de la journée, la surchauffe urbaine s’exprime plutôt de manière dispersée, se limitant aux espaces urbains minéraux et confinés, mais augmentant le stress thermique subi par les usagers. Un stress généré à la fois par le niveau de température de l’air, par l’exposition au rayonnement solaire et infrarouge et par le manque de ventilation naturelle. En causes de cette surchauffe, le Cerema pointe l’occupation des sols, la morphologie urbaine, les matériaux utilisés qui emmagasinent la chaleur, le dégagement de chaleur issue des activités humaines. Les pistes proposées ? Le rafraîchissement des villes par une meilleure gestion de l’eau pluviale, les solutions fondées sur la nature (jardins partagés, toitures végétalisées, trames vertes…) ; l’adaptation de l’espace urbain et notamment le décryptage de la RE2020 et des outils d’évaluation du "Risque d’Inconfort Thermique d’Eté face au changement climatique" (RITE) dans les logements rénovés, etc. Tout un programme.

 

 

Architectes de l’urgence : au coeur des extrêmes

 

La fondation Architectes de l’urgence qui fête ses 20 ans d’existence et d’actions en 2021, est engagée dans de nombreux projets de reconstruction face aux extrêmes : inondations, ouragans, explosions, etc. Notamment engagée dans divers projets d’assistance pour aider les nombreuses familles libanaises sinistrées par la terrible explosion du port de Beyrouth de l’été dernier, Windows for Beirut, partenaire de la fondation Architectes de l’urgence, a mené des projets visant à permettre de réparer toutes les ouvertures (fenêtres, portes…) détruites dans les logements ne nécessitant cependant aucune autre intervention structurelle. La Fondation Architectes de l’urgence, sous égide de la Fondation Architectes du Monde, est la seule fondation d’utilité publique habilitée à mener elle-même des travaux de construction et dispose de l’accréditation ECOSOC qui donne la légitimité d’être force de proposition et/ou orchestrateur à la reconstruction des zones touchées avec des acteurs internationaux et locaux des filières concernées.


Par ailleurs, à l’occasion de ses 20 ans, la fondation Architectes de l’urgence a réédité, revu et augmenté, le manifeste de Patrick Coulombel, « Arrêtons l’amateurisme au nom de l’urgence » - De Haïti à Notre-Dame la reconstruction en question (NBE édition).

 

 

Zoom sur des solutions hors-site efficaces

 

© Cougnaud

 

En rénovation, une initiative originale s’inspire d’une démarche de mise en oeuvre aux Pays-Bas depuis 2012 baptisée Energie-Sprong ("saut énergétique" en hollandais). L’objectif est de déployer des rénovations énergétiques zéro énergie en démocratisant l’accès au plus grand nombre grâce à l’atteinte d’un équilibre économique sans subvention. Ces rénovations réalisées en un temps court ont pour ambition de garantir une qualité de vie et un confort aux occupants (thermique, acoustique, visuel…). Elles font appel à des solutions innovantes (façades préfabriquées hors site, intervention en site occupé permettant de limiter les nuisances par exemple) et visent la diminution progressive des coûts des travaux. En France, la démarche EnergieSprong est déployée depuis 2016, pilotée par l’entreprise GreenFlex, soutenue par des financements nationaux et européen, et supervisée depuis 2019 par les pouvoirs publics (DGEC et Ademe).

 

Parmi ses missions, GreenFlex accompagne des maîtres d’ouvrage et des entreprises au bon déroulement des projets pilotes : passation des marchés, mise en oeuvre et structuration des retours d’expérience, etc. Les projets menés par les bailleurs sociaux en France depuis 4 ans ayant prouvé la faisabilité d’Energie-Sprong, Lille Métropole Habitat (LMH) a annoncé au printemps lancer une campagne de réhabilitation en site occupé selon cette approche. Les premiers logements ciblés sont basés sur les communes de Seclin, quartier de la Mouchonnière et de Tourcoing, quartiers Chaussée Gramme et La Bourgogne. D’autres opérations, en cours d’arbitrage auront lieux sur d’autres communes, telle que Lille. Vendredi 18 juin, le groupement interbailleurs pour la rénovation Energie = 0 (Giré0) a été officiellement lancé. Un objectif de 1 000 logements rénovés en EnergieSprong est fixé, animé par l’URH Haut-de- France.

 

Hors-site

 

 

Urban eLab, nouveau think et do-thank


La Fédération des Promoteurs Immobiliers (FPI) et la Smart Buildings Alliance (SBA) se sont alliées afin de créer le think- et do-tank Urban eLab. Un lieu de rencontre entre les professionnels de la construction et de la promotion immobilière, les élus, les partenaires économiques et les citoyens pour se familiariser avec les potentiels, l’utilité et les usages des outils digitaux au service de la construction écoresponsable, pour que tous les partenaires publics et privés se les approprient et pour apprendre à coconstruire ensemble la ville de demain. Urban eLab s’appuie  sur une plateforme numérique avec des formats interactifs, ludiques et vulgarisateurs, permettant de créer un véritable lieu de dialogue favorisant les échanges sur les bonnes pratiques implémentables sur le terrain.


La construction hors-site permet d’avancer les chantiers, quels que soient les conditions météorologiques et de rationaliser les coûts. « Il s’agit d’un mode permettant la construction à 80 ou 90 % en usine avant l’acheminement et l’assemblage des modules sur site », explique Christophe Cougnaud, directeur général du groupe Cougnaud, spécialiste de la construction modulaire. Le constructeur travaille en 3D et livre des cubes préassemblés. « En usine, nous gérons le clos, le couvert, l’étanchéité, l’isolation, les revêtements de sols, les menuiseries intérieures et extérieures… », énumère-t-il.

 

Ce mode de construction optimise l’ouvrage, dont la durée du chantier est limitée. Les bénéfices sont nombreux : gain de temps, affranchissement des contraintes liées à la météo, meilleures conditions de travail, réduction des coûts, diminution des déchets et recyclage, moins de nuisance. « La construction en temps masqué permet de réduire les délais de livraison, puisque nous commençons à construire les modules pendant que, sur le chantier, s’effectuent les fondations », précise Christophe Cougnaud.

 

 

Passerelle 3D à Pleyel (93) pour les JO 2024

 

XtreeE : passerelle en béton imprimé 3D structurel au-dessus du canal Saint-Denis à Aubervilliers © Lavigne & Chéron Architectes

 


L’Établissement Public Territorial Plaine Commune a confié au groupement dirigé par Freyssinet, en association avec Lavigne & Cheron Architectes, Quadric, XtreeE, LafargeHolcim, la conception et la réalisation d’une passerelle piétonne de 40 m, dont le tablier sera entièrement réalisé en béton structurel imprimé en 3D. La conception numérique de l’ouvrage, la réalisation dans des conditions industrielles des éléments de la passerelle et leur assemblage rapide sur le chantier ne manquent pas de bénéfices : moins de transport, suppression des coffrages, moins de matière consommée (objectif de réduction de 60 % de la consommation de béton comparée aux ouvrages standards) et une plus grande liberté formelle pour les architectes. Le système d’impression "ouvert" développé par XtreeE permet d’imprimer divers types de béton ainsi que d’autres matériaux (plâtres, argiles, géopolymères).

 

À la fin, il ne reste que les raccordements à opérer (courant fort, courant faible, alimentation en eau, chauffage, etc.) et finition traditionnelle pour rendre les joints invisibles. Un exemple est fourni par l’extension de 279 m² accolée au bâtiment (800 m²) de SOFTEC, organisme de formation professionnelle, situé à Avrillé, près d’Angers (49). Cette extension permettra d’accueillir des espaces de formation modulables et une tisanerie. Pour ce projet, SOFTEC a renouvelé sa confiance à Cougnaud Construction pour sa capacité à livrer un bâtiment clé-en-main, dans un délai très court (2 mois) et sur un site en activité. Cette construction a bénéficié des mêmes caractéristiques techniques que le bâtiment initial auxquelles sont venues s’ajouter l’isolation renforcée (toiture et parois), une climatisation réversible (pompes à chaleur) et une VMC simple flux, pour un niveau de performance répondant au label THPE (Très Haute Performance Énergétique).

 

 

 

V.M.
Photo ouverture : Profils Systèmes © Aurélien Brusini


Source : verre-menuiserie.com

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