Les métiers de la miroiterie et de la menuiserie s’ouvrent aux femmes

Les métiers de la miroiterie et de la menuiserie s’ouvrent aux femmes

Renforcer la place des femmes dans l’industrie et leur permettre d’occuper des fonctions de création et de production : cette double préoccupation du ministère de l’Économie et des Finances trouve déjà un écho.




Le jeudi 21 mars dernier, dans le cadre de la 9e édition de la Semaine de l’Industrie, Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Economie et des Finances, a dévoilé la composition du Conseil de la mixité et de l’égalité professionnelle dans l’industrie. La création de ce Conseil par le ministère repose sur deux constats : il faut davantage de femmes dans l’industrie où leur part dans l’emploi est à la fois faible et inchangée depuis des décennies malgré les actions engagées par les entreprises et leurs représentants.

 

Ensuite, il est urgent d’améliorer le leadership et la visibilité des femmes dans les métiers de l’industrie alors qu’elles y occupent majoritairement des postes dans les fonctions supports et restent éloignées de la conception et de la production.
« Des actions devront être engagées pour leur permettre d’accéder à des postes à responsabilités », annonce la secrétaire d’État.

 

© FFB

 

Alors que les femmes représentent 22 % des salariés dans la métallurgie, les données 2018 publiées par la Fédération Française du Bâtiment (FFB) montrent qu’elles constituent seulement 12,3 % de ses effectifs, soit 131 487 salariées sur un ensemble de 1 069 000. Mais quelle est la proportion de femmes dans le second oeuvre, en particulier dans les secteurs de la miroiterie et de la menuiserie ?

 

Responsable communication de l’Union des Fabricants de Menuiserie (UFME), Virginie Muzzolini recense 149 sociétés adhérentes à l’UFME représentant la filière fenêtre et plus de 350 personnes qui oeuvrent au sein des commissions UFME. « Certes, les commissions et groupes de travail à connotation technique recueillent un taux de participation majoritairement masculin, mais la commission technique est présidée par une femme – Chantal Sergent – secondée par la déléguée technique de l’UFME, Ludivine Menez », relève-t-elle. Quant au conseil d’administration de l’UFME, il est composé à 12 % de femmes. « Sur près de 400 contacts adhérents UFME, nous comptons un peu plus de 70 femmes, soit 18 % de nos membres. Par ailleurs, l’équipe des permanents comprend deux femmes et un homme », pointe Virginie Muzzolini.

 

Dans les rangs de l’UFME, le poste d’assistante de direction est l’une des fonctions clés de l’entreprise pour laquelle les femmes sont surreprésentées. Mais de nombreuses adhérentes exercent aussi des postes à responsabilité au sein des comités de direction : directrice marketing, directrice communication, responsable R&D et dirigeante de sociétés importantes. « Aujourd’hui, des postes demandant des compétences au niveau relationnel, un esprit de synthèse et une grande disponibilité sont occupés par des femmes permettant aux entrepreneurs de piloter leurs entreprises et d’anticiper les évolutions du marché. Si au sein de l’UFME une seule société – et non des moindres – est dirigée par une femme, elles sont de plus en plus nombreuses à faire partie des comités de direction. Elles apportent leur expertise technique et marketing au quotidien », poursuit Virginie Muzzolini.

 

Mais quels sont les obstacles qui empêchent encore les femmes d’exercer les métiers du second oeuvre ? Le premier – non spécifique aux femmes – est d’ordre culturel : « dès l’école, l’image du Bâtiment (et celle de l’industrie de la fenêtre) n’attire pas les jeunes. Qui n’a jamais entendu pendant sa scolarité que s’il ne travaillait pas bien il serait orienté vers des métiers manuels ? Il faut arrêter d’opposer la main à la tête. Aujourd’hui, le Bâtiment a toujours besoin de collaborateurs et collaboratrices sur le terrain : des femmes pilotent des chantiers et sont conductrices de travaux », clame Virginie Muzzolini.

 

Mais le principal écueil identifié par la filière fenêtre reste la méconnaissance des métiers. Pour y remédier, l’UFME a édité et mis en ligne sept fiches métiers, ouverts aux hommes comme aux femmes, sur son site Internet. « L’UFME souhaite développer une communication "Filière fenêtres et femmes" dans le cadre de ses relations presse pour présenter des portraits de femmes à différents postes », révèle Virginie Muzzolini. © UFME

 

35 % De femmes chez Vd-Industry…

 

Si la place des femmes dans les rangs de la FFB dépasse tout juste les 12 %, certaines entreprises affichent des taux beaucoup plus élevés. C’est le cas chez VD-Industry, société familiale vosgienne spécialisée dans la fabrication de verre résistant au feu.

 

© VD Industry

 

Laura Ferry, directrice communication et marketing, dénombre 19 femmes sur les 53 coéquipiers employés par le groupe. « Les femmes représentent donc plus de 35 % de la masse salariale ! Nous avons à peu près tous les profils », se réjouit-elle.

 

Chez VD-Industry, chaque collaborateur est d’abord considéré en tant que "personne" à part entière et membre de l’équipe. « Il n’est pas fait de distinguo entre hommes et femmes. Nous avons des femmes employées, techniciennes, tout autant que cadres ou ouvrières ! Il n’y a pas non plus de tâches confiées plus particulièrement aux femmes. C’est pour cela que nous pourrons observer Anne-Laure, notre Responsable QSE, qui répare une machine en atelier et Rémi qui fait de la communication », poursuit Laura Ferry.

 

Sur des chantiers parisiens de grandes envergures, dépassant le million d’euros, la mise au point technique est menée par une femme : Allison. C’est elle qui se déplace sur le chantier. « À notre époque, ce n’est plus du tout un problème. Notre ingénieur Recherche et Développement est également une femme », révèle Laura Ferry, persuadée que VD-Industry attire plus facilement les profils féminins grâce à son statut qui mixe entreprise industrielle et familiale, jeunesse et dynamisme.

 

Si aucun aménagement particulier n’a été réalisé dans les ateliers de VD-Industry pour favoriser spécifiquement le travail des femmes, des améliorations pour tous l’ont été, à l’image des deux palans installés pour faciliter la manutention. Face aux difficultés que rencontre l’industrie pour recruter, le fait d’encourager les femmes à exercer ses métiers semble une piste à suivre pour VD Industry. « Nous sommes pour l’égalité hommes/femmes ! C’est pourquoi nous participons activement à la Semaine de l’Industrie depuis deux ans. Lors de la dernière édition, nous avons reçu une classe de 3e générale avec 50 % de femmes et une classe de 2e prépa pro avec un tiers de femmes. Nous désirons promouvoir l’image de l’Industrie en France : nous tissons pour cela des liens avec les centres de formation en les accueillant dans l’entreprise. Nous recrutons auprès des femmes, des hommes et des jeunes. Ils sont les bienvenus toute l’année », clame Laura Ferry.

 

Verrissima group : Quand les femmes anoblissent le verre

 

Toujours dans l’Est de la France, en Moselle cette fois, une autre entreprise se distingue…Présidé par Jonathan Metz, Verrissima Group (14 M€ de CA global) maîtrise toutes les techniques de transformation du verre plat : découpe, façonnage, perçage, collage, sablage, gravure, colorisation, argenture et impression numérique.

 

Les femmes en première ligne chez Verrissima © Verrissima

 

Depuis son siège de Goetzenbruck, le groupe pilote trois entités : Verrissima Habitat écoule sa production auprès des particuliers et des petits professionnels Verrissima Trempe (branche née du rachat de la société Vertal) fabrique le verre trempé pour l’ensemble du groupe et pour la clientèle des agenceurs, des cloisonneurs, des professionnels de l’abri-bus… Enfin, Verrissima Industrie, installée en plein coeur du pays du cristal près de Saint-Louis-lès-Bitche, vend ses vitrages décoratifs et ses vitraux aux cuisinistes, aux fenêtriers et aux industriels du luxe (BtoB).

 

Le siège social de Verrissima à Goetzenbruck (57) © Verrissima

 

Certifiée Entreprise du Patrimoine vivant en 2016, Verrissima emploie 130 salariés. Particularité : les femmes y sont aussi nombreuses que les hommes. Elles sont même majoritaires chez Verrissima Industrie : 52 % contre 48 %.

 

 

 

Majoritaires chez Verrissima, les femmes valorisent avec talent des opérations et un savoir-faire appelant notamment minutie et plus-value artistique © Verrissima

 

« Le personnel féminin prédomine dans la réalisation de toutes les tâches à forte valeur ajoutée comme la colorisation du verre, l’argenture (particulièrement appréciée des cristalliers de luxe), le façonnage, la réalisation ou la restauration de vitraux », précise Patrick Gross, directeur commercial et marketing de Verrissima Group.

 

L’année passée, l’entreprise a participé à un concours en lien avec la Haute école des Arts du Rhin. Elle a travaillé avec une artiste indépendante, Amandine Mangenot, qui a développé chez Verrissima des modèles spécifiques de portes et de crédences en verre ; une double collection avec pièces métal incrustées ou verre gravé à la main.

 

(De gauche à droite) Jonathan Metz, PDG ; Amandine Mangenot, artiste et créatrice d’intérieur et Patrick Gross, directeur commercial et marketing Verrissima © V&MA

 

Stratégiquement attachée à l’anoblissement du verre et à la plus-value artistique, la valeur de Verrissima repose pour une grande partie entre les mains des femmes.

 

Outre les fonctions administratives et l’atelier, la vente se féminise également : la toute première commerciale de Verrissima a été recrutée en février dernier. Patrick Gross le souligne : « aujourd’hui, le personnel féminin est inclus dans tous les créneaux de Verrissima Group. Nous n’avons plus aucun frein à la féminisation de l’entreprise ». Autant d’exemples à suivre pour que les femmes ne se heurtent plus au "plafond de verre" et qu’elles s’épanouissent pleinement dans l’industrie. 

 

Christine Riou Ferron : « Les femmes sont les bienvenues chez Riou Glass »

 

Nommée vice-présidente de Riou Glass en juillet 2018, Christine Riou Feron a rejoint le clan très fermé des femmes dirigeantes d’entreprise dans l'industrie. Elle évoque à la fois son parcours et la place qu’occupent les femmes chez Riou Glass…

 

Baignée dans l’aventure entrepreneuriale familiale depuis toujours, Christine Riou Feron, vice-présidente de Riou Glass, a développé une passion pour les affaires et la stratégie © Riou Glass

 

Bio expresse…

 

Christine Riou Feron est la fille de Pierre et Christiane Riou, les fondateurs de l’entreprise Riou Glass. Après une expérience chez l’américain Lincoln Electric, l’un des leaders mondiaux d’équipements et de consommables de soudage, où elle a occupée différentes responsabilités, notamment au sein de la direction industrielle de la filiale française, elle rejoint l’entreprise familiale fin 2011.

 

Promue directrice générale adjointe en 2016 avec pour mission la gestion et la consolidation des ressources transverses (RH, juridique, IT, finance et contrôle de gestion), elle devient en juillet 2018 vice-présidente de Riou Glass, reportant la présidence à Pierre Riou.

 

Diplômée d’un master en management de la NEOMA Business School, Christine Riou Feron connait aussi bien les grands groupes que les entreprises de taille intermédiaire. Ses différentes fonctions occupées au sein de Riou Glass lui ont donné une connaissance fine de l’entreprise et de son marché.

 

Christine Riou Feron incarne la seconde génération des dirigeants Riou Glass. Elle écrit de nouvelles pages de l’histoire commencée par ses parents en 1979, en développant l’entreprise avec les mêmes valeurs : esprit familial, qualité et savoir-faire.

 

« Avez-vous toujours su que vous tiendriez un jour des fonctions directoriales chez Riou Glass ? »

 

Étant née pratiquement en même temps que l’entreprise, il m’apparaissait évident – oserais- je dire naturel – que je participerai un jour à l’aventure, même si j’ignorai sous quelle forme. Au cours de ma jeunesse, j’ai eu à plusieurs reprises l’occasion de passer des étés sur les sites Riou Glass, au contact de différents outils : je connais bien le process industriel. Ensuite, les expériences successives que j’ai menées à l’extérieur de l’entreprise m’ont permis d’explorer les métiers du service, mais ceux-ci ne m’ont pas épanouie.

 

L’industrie m’attirait davantage. La matière que nous transformons – le verre – est un matériau noble. Notre gamme est très large et comprend de très nombreux produits. Nous avons déjà fait beaucoup de choses, mais il en reste énormément à accomplir et c’est aussi cela qui m’a attirée. J’ai rejoint discrètement l’entreprise en 2011, aux côtés de mes parents et de mon frère à la direction générale. L’an dernier, en parallèle, j’ai aussi repris mes études pour être mieux à même d’organiser les pans de la gestion de l’entreprise. Aujourd’hui, mes parents sont toujours opérationnels : nous vivons un réel partage d’expériences et je continue d’apprendre et de grandir aux côtés des équipes.

 

« Êtes-vous représentative de l’évolution de la place des femmes à la direction des entreprises ? »

 

Si les femmes dirigeantes de société sont encore assez rares, il y en a de plus en plus. Nous travaillons dans un secteur plutôt masculin. Il faudra encore du temps avant de voir un équilibre s’instaurer entre les hommes et les femmes à la tête des entreprises, dans l’industrie et dans le bâtiment.

 

« Quelle place tiennent les femmes dans votre entreprise ? »

 

En production, les femmes représentent 12 %, mais nous sommes plus de 25 % si l’on tient compte de l’ensemble des emplois féminins dans l’entreprise, notamment dans les secteurs administratifs et commerciaux. À la production, les femmes occupent souvent des postes nécessitant des qualités de précision et de minutie, notamment les opérations de cadrage ou d’assemblage des croisillons… Les tâches manuelles qui apportent des fonctions décoratives aux vitrages sont aussi volontiers confiées aux femmes.

 

Pour l’heure, il n’y a pas encore de directeur de site ou de responsable de production femme dans les 15 usines métropolitaines de Riou Glass, mais quelques unes sont cheffes d’équipes et leur présence est forte dans tous les processus QHSE et d’amélioration continue. Si une femme devait, un jour, diriger l’un de nos sites, je serai vigilante pour faire en sorte qu’elle se sente bien accueillie dans sa fonction. Je tiens à préciser cependant, que nous ne constatons aucun fait
de sexisme dans nos différentes unités.

 

« Le recrutement plus large des femmes vous apparaîtil comme une solution pour faire face à l’absence de certains profils dans l’industrie ? »

 

Les difficultés à trouver les bons profils ne se posent pas avec la même acuité dans toutes les régions. Par exemple, il se peut que nous ayons des difficultés à recruter pour certains postes à Pouilly-en-Auxois sans que cela ne soit le cas en Normandie. Lorsque nous recrutons, nous choisissons les meilleurs profils, sans volonté de privilégier une femme ou un homme.

 

« L’égalité salariale homme - femme est-elle effective chez Riou Glass ? »

 

Chez nous, la rémunération salariale s’établit en fonction du poste, de la compétence et de l’ancienneté. A compétences égales, il n’y a pas d’écarts de salaire entre les femmes et les hommes. Nous allons continuer à recruter des femmes. De nouveaux profils féminins apparaissent, comme l’ingénieure en amélioration continue, poste qui n’existait pas il y a encore quelques années dans notre industrie. Sur trois de nos sites, ce sont des jeunes femmes qui les occupent. De même, les postes de chargés d’affaires et de commerciaux de terrain se sont féminisés ces dernières années. Il y a encore 10 ans, ils étaient exclusivement masculins, signe que la miroiterie ou la transformation du verre attirent aussi les femmes.

 

La pose des intercalaires dans les vitrages isolants est une tâche qu’exercent les femmes chez Riou Glass © Riou Glass

 

« Faites-vous passer un message d’ouverture de vos métiers aux femmes auprès des écoles et des organismes de formation ? »

 

Non, pas particulièrement. Cela peut paraître étrange sachant que je suis moi-même une femme, mais cela tient à mon éducation : jamais mes parents n’ont établi de différences dans la manière de nous considérer, mon frère et moi. Aussi, lorsque l’on évoque le plafond de verre auquel se heurtent les femmes, je ne me sens pas particulièrement concernée : l’égalité de traitement homme-femme m’est naturelle et je n’ai pas l’impression d’être porteuse d’un message spécifique envers les femmes.

 

« Allez-vous ouvrir des crèches près de vos sites pour favoriser l’équilibre vie privée - vie professionnelle de vos collaborateurs, en particulier les femmes ? »

 

Si nous faisons travailler près d’un millier de salariés, en Métropole et à La Réunion, nos sites de production s’apparentent plutôt à des PME de taille moyenne : ils emploient souvent une cinquantaine de collaborateurs, pas davantage. De fait, nous ne nous sommes jamais posés la question d’organiser des gardes d’enfants. Nous pourrions peut-être y réfléchir dans un cadre inter-entreprises. Par ailleurs, une précision qui a son importance : les crèches en entreprise facilitent la vie professionnelle des femmes et celle des hommes aussi !

 

« Et pour conclure, notre sujet s'inscrit dans quelle conjoncture économique aujourd'hui ? »

 

Elle est variable selon les régions dans lesquelles nous sommes installés. Et même si globalement nous avons ressenti un redémarrage de l’activité au cours des derniers mois, les marges demeurent fortement comprimées. Les matières premières augmentent nettement et les prix du verre transformé n’augmentent pas aussi vite en France que dans les autres pays européens. Nous devons alors faire attention à l’effet ciseau, d’autant que – et je suis convaincue de cela – c’est dans ces situations encore fragiles que nous devons offrir davantage à nos clients. Améliorer nos prix et nos marges tout en poursuivant notre démarche d’amélioration continue est la clé pour garantir une gamme de produits innovante et de qualité, conjuguée à un véritable service de proximité.

 

J. L.C


Source : verre-menuiserie.com

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