Les serres urbaines bioclimatiques : armes de séduction massive

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Aujourd’hui, les serres bioclimatiques ne se contentent plus de servir à faire pousser des plantes ou des légumes. Elles se font une place dans des univers urbains pour participer...




... non seulement à l’embellissement des villes en permettant d’y intégrer de véritables poumons verts, mais aussi en y jouant un rôle de tampon thermique. Très esthétiques, elles séduisent de plus en plus les architectes.

 

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© CMF - L’ensemble des "5 Ponts" à Nantes (44) est un ensemble mixte autour d’un projet unique de réinsertion (logements sociaux, bureaux, boutique Emmaüs et ferme urbaine), c’est le siège de l’association "Les Eaux Vives" qui accompagne les personnes de la rue. Des actions de réinsertions innovantes sont réalisées sur le site, grâce entre autres à l’agriculture urbaine

 

Les serres bioclimatiques sont par définition présentes pour protéger les plantes et créer un climat propice à leur croissance. « L’objectif est de recréer un climat bien particulier et de le maîtriser au mieux en hiver et en été. C’est une approche qui existe depuis très longtemps », précise Philippe Quesne, chargé d’affaires Bâtiment chez CMF, pointant ainsi l’intérêt de construire une serre bioclimatique. Avec en premier milieu une utilisation agricole assez évidente sous nos latitudes pour permettre aux végétaux de croître tranquillement quel que soit le climat. Un tournant a été pris assez récemment avec la volonté de mettre en place des serres bioclimatiques dans des environnements urbains, conçues pour tirer parti des conditions naturelles (soleil, chaleur, humidité) tout en réduisant les besoins énergétiques et l’impact environnemental. Elles combinent des principes d’agriculture urbaine, d’architecture durable et d’écologie. Les serres urbaines bioclimatiques sont désormais vues comme une infrastructure urbaine à part entière. « Dans le bâtiment, la serre bioclimatique a un réel intérêt pour gérer le climat à l’intérieur du bâtiment en agissant comme un tampon thermique entre l’extérieur et l’espace habité », explique Philippe Quesne. En hiver, l’effet de serre est ainsi utilisé pour réchauffer l’air avant de le faire pénétrer dans l’espace habité. En été, au contraire, cela permet de faire baisser la température en cas de fortes chaleurs. « Nous pouvons aussi utiliser la possibilité de surventiler grâce aux ouvrants de la serre, pour notamment décharger le bâtiment la nuit. Durant la journée, nous utilisons l’effet venturi », ajoute Philippe Quesne. Un système qui peut être utilisé seul, mais plus généralement couplé à d’autres systèmes de rafraîchissement : vitrage à faible facteur solaire par exemple. « La difficulté est toujours de trouver le bon équilibre entre hiver et été », indique Philippe Quesne. Différentes solutions existent pour y parvenir avec des éléments statiques comme les brise-soleil amovibles ou fixes ou alors l’utilisation d’écran d’ombrage et d’éléments dynamiques comme les solutions de rafraîchissement adiabatiques ou de fog qui consiste en un brouillard à l’intérieur des espaces vitrés chargés d’humidité qui va piquer les calories pour provoquer une évaporation abaissant la température. 

 

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© Guillaume MAUCUIT LECOMTE - La Cité Maraichère de Romainville (93) est une serre verticale de production de fruits et légumes unique en France, un lieu multifonctionnel avec une partie dédiée à la culture maraîchère et une autre ouverte au public. Elle constitue avant tout un laboratoire d’agriculture urbaine encourageant la consommation de produits issus des zones rurales avoisinantes et vendus par le biais des marchés, d’associations pour le maintien d’une agriculture paysanne (Amap) et épiceries

 


 POINT DE VUE 

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Philippe Quesne, chargé d’affaires Bâtiment chez CMF

 

« Il faut bien anticiper la maintenance »

 

« Il faut prendre en compte qu’une serre urbaine, c’est une serre de production qui est construite dans un environnement différent et qui s’apparente à un bâtiment.  Elle peut être insérée à des bâtiments existants ou faire partie d’un projet neuf.  Nous constatons que la grande majorité des serres urbaines sont en région parisienne. Dans 98 % des cas, c’est pour effectuer une production maraîchère au plus près du consommateur. Très souvent, ce sont des projets liés à une exploitation déjà définie : restaurant, insertion sociale, vulgarisation auprès des écoles… Rappelons qu’il est important dans ce type de projets de bien anticiper et prendre en compte les besoins de maintenance dès le départ pour assurer la viabilité de celui-ci dans la durée ».


 

Une demande accrue

 

Les serres bioclimatiques urbaines sont des solutions de plus en plus demandées, constate Philippe Quesne. Les raisons sont multiples : esthétiquement, la présence d’une serre valorise le bâti et permet de végétaliser les espaces tampons. Une solution qui séduit fortement les architectes et les usagers des bâtiments concernés pour leur véritable sensation de bien-être. Réussir à mettre en œuvre des systèmes plus écologiques et environnementaux est dans l’air du temps et l’évolution technique et technologique le permet de plus en plus, remarque Philippe Quesne : « sur les vitrages par exemple, les évolutions techniques permettent d’utiliser des vitrages particuliers selon les besoins favorisant aussi bien l’isolation thermique en hiver et en période estivale, la diminution phonique que la transmission lumineuse. Pour exemple, lorsque nous avons travaillé à la conception du Dôme Equatorial du Zoo de Beauval (41), nous avons pu utiliser sur ce chantier plusieurs types de vitrage selon l’exposition pour favoriser la résistance au froid au Nord et limiter les apports solaires et donc l’échauffement au Sud, requerrant un important travail des bureaux d’études thermiques sur ces points ».

 


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© Groof

Le projet GROOF consiste en une approche innovante visant à réduire les émissions de CO2 des secteurs de la construction et de l’agriculture, en combinant partage de l’énergie et production locale de végétaux. 30 % de chaleur en moyenne sont perdus à travers le toit des bâtiments. Concrètement, le projet vise à créer des serres sur les toits. Il utilise cette chaleur, ainsi que celle non consommée via les systèmes de ventilation et de chauffage, pour chauffer ces serres et produire des plantes potagères. La serre permet également de réduire les émissions de CO2 en limitant les transports de marchandises : les végétaux cultivés sont vendus localement et profitent aux habitants du quartier. Le projet GROOF comprend 4 serres pilotes en Europe : en Belgique, au Luxembourg, en Allemagne et en Île-de-France, à Saint-Denis (93). Il est financé par le fonds européen Interreg Europe du Nord-Ouest à hauteur de 2,9 M€ sur les 4,9 M€ de budget total.


 

Des évolutions techniques favorables

 

Les bureaux d’études intègrent les évolutions techniques afin de répondre efficacement aux nouvelles exigences du secteur. Philippe Quesne évoque ainsi : « Les fabricants de vitrage ont considérablement fait progresser leurs produits, notamment en termes de performance thermique. Chez CMF, en tant que spécialistes des serres, nous n'étions initialement pas présents sur le marché des serres urbaines. Nous avons donc adapté nos gammes en développant des profils en aluminium intégrant, par exemple, des rupteurs de pont thermique ». Il convient en effet de distinguer la serre urbaine de la serre de production. La serre urbaine présente des contraintes spécifiques liées à ses multiples fonctions : production, accueil, lien social, captation d’énergie, etc. Ainsi, elle ne répond pas aux mêmes normes, ni aux mêmes exigences qu’une serre de production classique. Les projets de serres urbaines se révèlent généralement plus complexes, tant sur les plans techniques, administratifs qu’opérationnels. Sur le plan structurel, l’édifice doit satisfaire les réglementations en vigueur pour les bâtiments (charge de neige et de vent, normes sismiques…). Il est également soumis aux normes relatives à l’accueil du public (type de verre utilisé, désenfumage, évacuation...). Par ailleurs, la serre urbaine s’inscrit souvent dans un projet architectural global, en lien avec d’autres constructions existantes ou à venir. Il apparaît donc indispensable de collaborer dès l’amont du projet avec les bureaux d’études et les architectes. Enfin, malgré un coût au mètre carré généralement inférieur à celui d’un bâtiment d’habitation, le coût d’investissement demeure le principal obstacle à la réalisation de ce type d’équipement.

 


Le Verger, un projet démonstrateur 

 

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© Habside – Marciano Architecture - Le Verger est un projet démonstrateur intégrant notamment une serre agricole urbaine permettant une consommation en circuit court dans un projet global vertueux mettant en avant le respect de l’environnement et le bien être des usagers

 

Programme immobilier exemplaire mêlant innovation, qualité architecturale et durabilité, Le Verger est un projet implanté au cœur de la ZAC Vallon Régny dans le 9e arrondissement de Marseille.  Stéphane Perez, président d’Habside, maître d’ouvrage du projet nous en dit plus : « L’idée de départ était d’avoir un bâtiment vertueux, non seulement avec des enjeux d’isolation ou de consommation énergétique, mais aussi en intégrant la notion de circuit court. Avec une interrogation : comment faire de l’agriculture en milieu urbain ». Résultat, le Verger veut jouer un rôle moteur en tant qu’îlot démonstrateur avec un programme hybride rassemblant logements, halle commerciale, food court, serres agricoles et place publique centrale. Un projet ambitieux et novateur porté par une équipe multidisciplinaire et locale, animée par la volonté commune de transformer la ville de Marseille en modèle d’innovation durable. Ce projet est le fruit de la collaboration de partenaires expérimentés : Habside, promoteur immobilier marseillais depuis plus de 30 ans, Marciano Architecture, architecte marseillais, créateur de l'architecture méditerranéenne et bioclimatique du projet, et plusieurs bureaux d’études et experts locaux, tels qu’ICHD ou Energisengineering.

 

Réinventer la ville

 

La conception du Verger repose sur une volonté de réinventer la ville, en rendant l’habitat plus résilient, plus inclusif et plus durable. Un projet novateur qui n’a pas été simple à mettre en œuvre reconnaît toutefois Stéphane Perez : « nous avons fait face à différentes contraintes et freins sur l’avancée du projet. En premier lieu, faire de l’agriculture sur un toit, c’est bien plus cher car nous devons tenir compte des contraintes liées à l’immobilier comme la sécurité, le désenfumage, l’incendie… Nous devons respecter toutes les législations ». Avec différents critères à prendre en compte également comme l’apport énergétique, la gestion de la lumière naturelle et les contraintes liées à l’agriculteur lui-même. « C’est un projet très novateur ; je suis partagé quant à la possibilité de le dupliquer, mais je suis très content de le faire. Nous voulons que ce soit viable et pérenne et nous sommes vraiment satisfaits d’avoir pu créer sur un format de 2 000 m² d’agriculture urbaine, un îlot où l’on produit, l’on vend et l’on consomme. Sans oublier qu’une serre sur le toit améliore considérablement l’isolation du bâtiment. Le mot d’ordre de ce projet était : Mieux produire, mieux consommer, mieux vivre — ensemble ». À noter que le Verger a été doublement récompensé lors de la 22e édition des Pyramides d’Argent de la FPI Provence en recevant la prestigieuse Pyramide "Grand Prix Régional", ainsi que celle de la Qualité globale.


 

Un impact positif sur l’environnement

 

Si des freins existent quant au développement à grande échelle des serres urbaines, il est évident qu’il y a beaucoup à gagner pour tous. Elles ne sont pas seulement un outil pour produire des aliments en ville, mais représentent majoritairement une véritable solution pour protéger l'environnement, réduire notre empreinte écologique, et créer des villes plus vertes et plus résilientes. Elles apportent une réponse vertueuse à la lutte contre la pollution, la dégradation des sols et l'insécurité alimentaire. Les bénéfices environnementaux des serres urbaines sont nombreux : réduction des déchets alimentaires en permettant une production à proximité des consommateurs, diminution de l’empreinte carbone en minimisant le transport. Nous pouvons également ajouter l’optimisation de l’utilisation des ressources naturelles avec des technologies innovantes (hydroponie, aéroponie) qui consomment très peu d’eau ou encore la lutte contre l’insécurité alimentaire car les serres urbaines offrent une solution concrète à l’autosuffisance dans ce domaine. Il convient de souligner que le développement des installations sur les toits des bâtiments présente un potentiel significatif, notamment pour la lutte contre le réchauffement climatique et la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’intégration de serres sur les toitures permet d’optimiser la récupération de chaleur produite mais non consommée par le bâtiment, tout en captant le CO2 émis. Dans cette perspective, le CSTB a mené plusieurs années de recherche dans le cadre du projet GROOF, dont les résultats sont rassemblés dans un guide pratique dédié à la conception et à l’exploitation de ce type de systèmes.

 


Bon à savoir

En mars 2024, l’AFAUP et l’Ademe ont signé une convention pour financer le REFAUR à hauteur de 90 000 € jusqu’en 2027, afin de soutenir le développement de l’agriculture urbaine durable en Ile-de-France.


 

— Franck Guidicelli


Photo ouverture © CMF - La Ferme du Rail (Paris 19e) est un équipement de quartier autour de l’agriculture urbaine qui valorise, par une production maraîchère, les déchets organiques collectés


Source : verre-menuiserie.com

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