Bâtiment durable : la France ambitionne-t-elle de vraiment rattraper son retard ?

Bâtiment durable : la France ambitionne-t-elle de vraiment rattraper son retard ?

Pour répondre à l’urgence climatique et environnementale, la France s’est fixée pour objectif d’ici à 2050, de rénover l’ensemble des logements à un haut niveau de performance énergétique.




Dans l'écoquartier de 30 hectares de la ZAC de la Montjoie à Saint-Denis (93) à Paris, "The Curve" conçu par le bureau Chartier Dalix, bénéficie des certifications HQE Exceptionnel, Effinergie+ et BREEAM ; avec le vitrage Saint-Gobain Cool-Lite®Xtreme 70/33 et l’intercalaire Super Spacer® Triseal™ Premium Plus Black 16 mm développé par Edgetech, incluant deux propriétés certifiées BREEAM®.

 

 

Marie Gracia, chargée de mission au Plan Bâtiment Durable.

 

 

Quelle est la définition d’un bâtiment durable ? Nous avons posé la question à Marie Gracia, chargée de mission au Plan Bâtiment Durable. Cet organisme gouvernemental, mis en place en 2009, a pour mission d’animer et de mobiliser la filière Bâtiment et Immobilier autour des enjeux de transition énergétique et environnementale (construction neuve et rénovation énergétique sur l’ensemble du parc). Elle répond : « pendant longtemps, on a porté l’idée d’un bâtiment avec des consommations énergétiques faibles. Un bâtiment durable va au-delà de cette seule idée : c’est d’abord un bâtiment agréable et confortable pour ses occupants. Cela implique la qualité de l’air intérieur, le confort acoustique, le confort lumineux… C’est aussi un bâtiment qui, sous ses différentes composantes, va limiter son impact sur l’environnement. Il y a le poids carbone de la construction, la préservation de la biodiversité, la limitation de l’étalement urbain, la bonne gestion des eaux… Certains sujets sont contradictoires : on traite l’un, mais on dégrade l’autre. Un bâtiment durable prend en compte l’ensemble de ces caractéristiques et la façon d’agir au mieux sur les différents plans ». Mais quelles ont été les évolutions du Plan Bâtiment Durable depuis sa création ? « Il y a 12 ans, à l’issue du Grenelle de l’Environnement, on parlait beaucoup de transition énergétique du secteur Bâtiment. Nous sommes aujourd’hui dans une logique de transition écologique ou environnementale et nous englobons de nouveaux sujets, notamment les enjeux liés à la baisse des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) puisque nous nous situons dans une trajectoire de neutralité carbone à l’horizon de 2050. Nous sommes à un moment assez particulier sur le secteur du bâtiment. D’une part, parce qu’en matière de construction neuve, la future Réglementation Envi ronnemental e 2020 (RE 2020) entrera en vigueur le 1er janvier 2022. Elle va changer nombre de pratiques pour les acteurs de la construction. Pour la première fois, l’on va évaluer l’impact carbone d’un bâtiment tout au long de son cycle de vie à un niveau réglementaire. Cela va modifier foncièrement la façon de construire. Et, sur la rénovation énergétique, nous sommes aujourd’hui sur un sujet majeur et prioritaire sur lequel plusieurs actions sont déployées, avec une forte impulsion politique et un certain nombre d’initiatives que l’on peut retrouver notamment dans le projet de loi dit Climat et Résilience qui est en cours d’examen au Parlement (NDLR : adopté par l’Assemblée nationale le 4 mai dernier, le texte est examiné par le Sénat depuis le 14 juin 2021) », complète la chargée de mission du Plan Bâtiment Durable.

 

 

 

 

"Økern Portal", l'un des plus grands projets de développement durable jamais réalisé en Norvège

 

Depuis janvier 2021, tous les nouveaux bâtiments de l'UE se doivent de répondre à la norme d'un "bâtiment à faible empreinte carbone". Le cabinet d’architecture DARK Arkitekter a relevé des défis esthétiques et les plus hautes performances énergétiques dans la conception de cet édifice de 80 000 m2 à Oslo (bureaux, hôtel, espaces communs et aire de restauration) avec jardinage urbain, ruches et une piste de course sur les toits végétalisés.

 

Les intercalaires à haute performance énergétique Super Spacer® ont équipé l’étonnante et mouvante façade de 14 600 m2 issue d'aluminium recyclé Hydro CIRCAL® 75R, une émission de carbone garantie de 2,3 kg de CO2 par kg d'aluminium, soit l’émission de CO2 la plus basse sur le marché, inférieure de 84 % à la moyenne de l'extraction de l'aluminium primaire. Avec le système de mur-rideau Wictec EL evo de Wicona et le système de façade Sapa 4150. Joachim Stoss, directeur général d'Edgetech Europe GmbH et vice-président des ventes internationales chez Quanex, est fier de participer à « cette voie incroyablement stimulante qui s’ouvre pour l'architecture. Je suis convaincu qu'ensemble, industriels, avec toutes les parties prenantes, nous parviendrons à réduire considérablement l'empreinte carbone des bâtiments grâce à des matériaux durables et à une économie circulaire cohérente. Nous sommes très heureux d'avoir à nouveau apporté notre pierre à l'édifice chez Økern Portal et The Curve à notre niveau avec notre warm edge ».

 

 

La situation du logement en France

 

Des chiffres tirés du Rapport du Haut Conseil sur le Climat et portant sur la rénovation dans les secteurs résidentiel et tertiaire nous permettent de mieux saisir la situation des bâtiments en France. Au 1er janvier 2018, il y avait 36 millions de logements dans l’Hexagone, soit 10 millions de plus qu’en 1990. Environ 30 millions de ces logements (82 %) étaient des résidences principales (occupées par des propriétaires, locataires ou à titre gratuit), 10 % des résidences secondaires (soit 3,6 millions) et 8 % des logements vacants (pour un total de 2,88 millions). En 2016, 51 % des résidences principales étaient construites avant 1975, soit avant la mise en place de la première réglementation thermique. Un peu plus de la moitié (57 %) des résidences principales sont des maisons individuelles et le reste, de l’habitat collectif. L’étude publiée par le Service de la donnée et des études statistiques du ministère de la Transition écologique en septembre 2020 fournit des informations sur les classes de performance énergétique du parc des logements français en s’appuyant sur les Diagnostics de Performance Energétique (DPE). Au 1er janvier 2018, environ 7 % du parc des logements (soit près de 2,5 millions) étaient peu énergivores (étiquettes de DPE A et B) et 17 % très énergivores (soit 6,12 millions de logements étiquetés F et G, considérés comme des passoires thermiques mais leur nombre a baissé : il s’établit aujourd’hui à 4,8 millions (selon les données du ministère de la Transition écologique). Ces logements très énergivores sont plus fréquents parmi les maisons individuelles (18 % de ce parc) que dans les logements collectifs (15 %). Les logements avec des étiquettes F ou G sont plus fréquents dans les petits logements (plus d’un tiers des logements de moins de 30 m², contre seulement 13 % des logements de plus de 100 m²). Le parc privé est nettement plus énergivore que le parc social (19 % d’étiquettes F et G contre 7 %). Le parc locatif privé est le plus énergivore, avec près d’un logement sur quatre (23 %) présentant une étiquette de DPE F ou G.

 

Une évolution vers les étiquettes les moins énergivores au fil du temps est observée, liée à l’instauration de nouvelles réglementations thermiques de construction des bâtiments. Ainsi, plus de 60 % des logements construits entre 2012 et 2018 ont des étiquettes de DPE A ou B, contre environ 8 % pour les logements construits entre 2006 et 2011, environ 2 à 3 % pour les logements construits entre 1949 et 1988 et environ 1 % pour ceux construits entre 1919 et 1948. En 2017, un peu plus de la moitié des résidences principales étaient chauffées aux énergies fossiles (41 % au gaz et 12 % au fioul), suivi de l’électricité (36 %). Le reste était chauffé par chauffage urbain (5 %), bois (4 %), puis GPL et charbon (environ 1 % chacun). Les résidences neuves étaient chauffées principalement au gaz (45 %) et à l’électricité (37 %), le reste étant composé de chauffage urbain (13 %) et de bois (5 %).

 

 

La Tombola House à Sunderland (Royaume-Uni) – Ryder Architecture – Les 870 m² de vitrage intelligent SageGLass Climaplus Grey (Saint-Gobain) contribuent à la réduction des coûts d’exploitation en offrant un contrôle complet de l’apport lumineux et thermique, et assurent un confort optimal et un cadre de travail ultra-moderne.

 

 

La situation des bâtiments tertiaires

 

Les bâtiments tertiaires occupaient près de 973 millions de m² et représentaient environ 15 % de la demande d’énergie française en 2016. Ils peuvent être séparés en huit catégories : hôtellerie-restauration, habitat communautaire, santé, enseignement, sport-loisir-culture, bureau, commerce et transport. Les bureaux et les commerces comptent pour près de la moitié de la surface chauffée totale. En 2015, plus de 60 % du chauffage des bâtiments tertiaires étaient d’origine fossile (47 % gaz et 16 % fioul), la majorité du reste étant d’origine électrique (28 %). Les commerces et les bureaux étaient responsables de près de la moitié de la consommation énergétique, suivis des bâtiments de l’enseignement et de la santé (12 %).

 

 

Les objectifs à atteindre en rénovation

 

Le Plan de rénovation énergétique gouvernemental prévoit un niveau Bâtiment Basse Consommation (BBC) en moyenne sur le parc en 2050. C’est pour aider à mieux y parvenir que le nouveau Diagnostic de Performance Energétique (DPE) entrera en vigueur le 1er juillet 2021. Ce document servira de base pour fixer les obligations de rénovation des logements. La méthode de calcul du nouveau DPE a été revue : elle s’appliquera de façon homogène à tous les logements. Actuellement, ce n’est pas le cas : la méthode dite sur "facture" évalue la consommation énergétique de certains logements sur la base des factures passées et non des caractéristiques du bâtiment. Cela peut conduire à attribuer deux étiquettes différentes pour des bâtiments identiques, voire à des "DPE vierges" (dans 20 % des cas) en l’absence de facture disponible. La refonte apportera donc plus de fiabilité méthodologique, préalable nécessaire pour rendre le DPE opposable juridiquement. Et avec l'alignement du DPE sur le régime juridique des autres diagnostics, son rôle est appelé à se renforcer avec des responsabilités associées s'étendant à l'ensemble acteurs impliqués dans le processus de vente immobilière : diagnostiqueur, vendeur, agent immobilier ou encore notaire. Le nouveau DPE ciblera particulièrement les 4,8 millions de "passoires énergétiques" (classées F et G) que compte encore notre pays. En considérant qu’elles seront rénovées d’ici à 2028 conformément aux objectifs fixés, cela permettra de diminuer les émissions françaises de 14 millions de tonnes de CO2 supplémentaires par an par rapport à la situation avant la refonte du DPE. Enfin, l’opposabilité consolide tout particulièrement la disposition consistant à interdire la location des logements classés F et G d’ici à 2028 via le critère de décence du logement.

 

 

Des efforts sur le parc immobilier de l’État et les bâtiments tertiaires

 

Pour sa part, L’État améliorera le suivi des consommations et le pilotage global de son parc immobilier pour diminuer sa consommation de 15 % d’ici à 2022 par rapport à 2010. Il va consacrer 1 Md€ supplémentaire prioritairement à la rénovation des cités administratives. Et 3 Md€ seront alloués aux projets de rénovation des collectivités. Quant aux obligations d’actions de réduction des consommationsd’énergie dans les bâtiments à usage tertiaire de plus de 1 000 m², elles visent à réduire la consommation d’énergie finale de ce parc de -40 % en 2030, -50 % en 2040 et -60 % en 2050 par rapport à 2010.

 

 

Manque d’ambition ?

 

Filiale du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment (CSTB) et partenaire de l’Alliance HQE GBC France, Certivéa a réuni début mai dernier 14 personnalités reconnues pour leur expertise et leur engagement envers la ville durable. Parmi elles, des responsables politiques comme la députée et présidente de l’Alliance HQEGBC, Marjolaine Meynier- Millefert, des présidents d’institutions comme Corinne Le Quéré, présidente du Haut Conseil pour le Climat et climatologue ou Arnaud Leroy, président de l’Ademe ; des dirigeants et responsables RSE d’entreprises du bâtiment et de l'aménagement comme Fabrice Bonnifet, directeur Développement durable de Bouygues et président de C3D ou encore des architectes comme Denis Valode…

 

Pour certains de ces intervenants, les cahiers des charges des donneurs d’ordre manquent encore d’ambition. Fabrice Bonnifet juge « qu’il est inadmissible que le secteur de la construction continue encore des années à produire plus de 220 millions de tonnes par an de déchets ».

 

Afin de massifier la rénovation, il faut encore lever des freins systémiques évoqués par Julien Hans, directeur Énergie-Environnement au CSTB Grenoble : « nous constatons aujourd’hui une forte nonqualité des travaux qui s’ajoute à de longs retours sur investissement, peu de recherche et développement dans le secteur (il est inférieur à 1 % du chiffre d'affaires de la construction) et enfin une offre de service faible et une main d’oeuvre encore mal formée au regard des besoins de massification ». Marjolaine Meynier-Millefert l’affirme : « les collectivités locales sont naturellement les mieux placées pour ajuster aux réalités du terrain les ambitions en matière de lutte contre le changement climatique qui, sans elles, restent souvent théoriques. Cependant, la transformation des territoires se heurte aujourd’hui à des schémas en silo : chaque action dépasse difficilement les limites d’une collectivité ou d’un domaine d’intervention. La gouvernance devrait plus impliquer les différents acteurs des territoires, des secteurs public et privé, sans oublier les habitants, les scientifiques et les acteurs économiques », pointe-t-elle. Toutes les personnes interviewées au cours du rassemblement organisé par Certivéa ont par ailleurs souligné l’importance de l’innovation collective mais aussi d’un accompagnement, aussi bien financier que méthodologique, pour la montée en compétence des acteurs. Elles attendent notamment la mise à disposition d’outils, de guides, de conseils, de bonnes pratiques et d’avis d’experts permettant de définir une bonne stratégie.

 

 

 

 

L’UFME (Union des Fabricants de Menuiseries) a signé la charte "Engagé pour FAIRE" le 4 avril 2019 , en présence de François de Rugy, ministre de la Transition Ecologique et Solidaire, Julien Denormandie, ministre chargé de la ville et du logement, Arnaud Leroy, président de l’Ademe et Philippe Pelletier, résident du Plan Bâtiment Durable ; ce réseau national vise à éradiquer les passoires thermiques, à effectuer les travaux les plus adaptés, à estimer le budget nécessaire et les aides financières dont il est possible de bénéficier, tout en évitant tous les pièges lors d’une rénovation, surtout ceux tendus par les écodélinquants qui font des travaux pour récupérer les primes gouvernementales.

 

 

Certificats d’économie d’énergie : 5 Mds € versés chaque année entre 2022 et 2025

 

C’est dans ce contexte que paraît le 5 juin 2021, le décret définissant l’obligation de la cinquième période du dispositif des Certificats d’Économies d’Énergie (CEE). Celle-ci débutera le 1er janvier 2022 pour se clôturer le 31 décembre 2025. Depuis 2006 et la première période des CEE, ce dispositif est devenu la première aide financière à la rénovation énergétique. En quatrième période, depuis 2018, plus de 4 Mds € ont été versés annuellement sous forme de primes aux particuliers, collectivités, industriels… Acteur historique du dispositif des CEE, Hellio salue l’effort financier et l’ambition donnée au dispositif par la voix de son directeur général, Pierre Maillard : « la publication de ces textes est un signal fort : près de 5 Mds € seront ainsi investis annuellement jusqu’en 2025, sous forme de primes subventionnant les travaux de rénovation énergétique. Nous prendrons part à cet effort afin de permettre au plus grand nombre de mieux maîtriser sa consommation d’énergie ».

 

 

 

 

« Selon une enquête menée par un Institut spécialisé, sur les 10 millions de fenêtres produites annuellement en France, 5,6 millions sont en PVC, 3 millions en aluminium, 700 000 en bois et 700 000 en acier ou en matériaux hybrides ».

Maxime Boileau, responsable marketing et communication pour l’activité Window Solutions chez Rehau France a mis en place la Charte d’économie circulaire et lancé le Label "EcoPuls".

 

 

Un marché français de 10 millions de fenêtres par an

 

Mais comment les acteurs majeurs du passif se préparent- ils aux grands changements normatifs qui s’annoncent dans la construction ? Maxime Boileau, responsable Marketing et Communication de la division Window solutions France du groupe allemand Rehau (20 000 collaborateurs dans le monde entier et 3,5 Mds de CA) répond : « en matière de bâtiment durable, 2015 est pour nous une année fondatrice. Rehau France a en effet décidé d’investir 24 M€ sur le site de Morhange (57) : l’eau qui y est utilisée pour refroidir nos barres PVC en sortie de filière est recyclée en interne. L’investissement a aussi permis de lancer la coextrusion : nous combinons un matériau vierge et une matière première recyclée pour obtenir un produit. Depuis, nous avons lancé le label "EcoPuls" qui garantit la présence de minimum 40 % de matières recyclées dans nos profilés PVC. 45 % des profilés PVC de fenêtres que nous produisons sont labellisés "EcoPuls". Et leur pourcentage augmente chaque année. En lien avec nos partenaires, nous produisons annuellement 1 million de fenêtres PVC en France alors que le marché hexagonal toutes marques confondues culmine à 10 millions de fenêtres ».

 

Maxime Boileau estime que, depuis 2015 et la mise en place de matériaux recyclés dans les produits Rehau, le vent a tourné dans la conscience des Français : « au début, parce que nous mêlions PVC vierge et PVC recyclé, nos produits étaient perçus comme moins qualitatif. Mais nous avons répondu à cette critique en décrochant une norme NF. Et maintenant, on nous demande d’en faire plus… Des groupes comme Vinci et Bouygues viennent nous consulter pour savoir comment réaliser des économies de sourcing… ». La filiale française du groupe allemand convainc les maîtres d’ouvrage d’utiliser ses fenêtres PVC, y compris sur des bâtiments patrimoniaux. Ainsi, 300 fenêtres en PVC teinte ivoire de la gammeAralya de Rehau, fabriquées et posées par son partenaire Lorillard, équipent l’École de police de Périgueux (24). Elles remplacent les anciennes fenêtres en bois de ce bâtiment construit en 1850 sous Louis Napoléon Bonaparte.

 

Maxime Boileau regrette néanmoins un certain embouteillage en France avec les normes : « contrairement aux taux des pays anglo-saxons qui ont opté pour des labels simples - BREEAM® (qui table sur l’aspect écologique, socioculturel et la durabilité du bâtiment) ou LEED, la multiplication des normes s’agissant du Développement durable complexifie le fonctionnement du marché car nous perdons en lisibilité. Et nous sommes toujours en retard : la RT 2005 n’a été adoptée qu’en 2007 et la RE 2020 n’interviendra pas avant le 1er janvier 2022 ».

 

 

Lettre ouverte à la Commission européenne par le WorldGBC, dont l’Alliance HQE-GBC, pour la décarbonation totale du bâti

 

Le WorldGBC (World Green Building Council) a réuni le 11 juin dernier plus de 60 leaders du secteur de la construction pour demander à la Commission européenne de soutenir la décarbonation totale du bâti par des politiques ambitieuses, afin d'atteindre la neutralité climatique d'ici 2050, conformément aux objectifs du Green Deal de l'UE. Ce groupe, qui représente plus de 4 500 organisations du secteur du bâtiment, a signé une lettre demandant à la Commission de s'assurer que la révision de dossiers législatifs clés, tels que la directive sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD), appuiera une approche du carbone considéré tout au long du cycle de vie du bâtiment. Pour rappel, le carbone émis par les produits de construction, représente environ 10 à 20 % de l'empreinte CO2 des bâtiments dans l'UE.

 

Dans un communiqué, Cristina Gamboa, PDG du World Green Building Council, a exprimé : « à l'approche de la COP26, il est urgent que les décideurs politiques adoptent une approche du carbone dans l'ensemble du cycle de vie des bâtiments - une approche qui englobe non seulement les émissions opérationnelles, mais également le carbone émis par les produits de construction. Le projet #BuildingLife du WorldGBC montre la voie en développant une série de feuilles de route pour l'UE et 10 pays européens, grâce à une collaboration profonde entre les leaders du secteur, les décideurs politiques et les experts. Le WorldGBC invite les hauts dirigeants de l'ensemble du secteur à rejoindre notre campagne appelant à une approche par le cycle de vie du bâtiment, et à devenir aujourd'hui un ambassadeur de #BuildingLife ». Parmi les signataires, Céline Carré, directrice des Affaires Publiques, Saint-Gobain, insiste : « si l'on veut sérieusement décarboner le secteur des bâtiments, il faut adopter une approche basée sur l'ensemble du cycle de vie afin de créer des conditions équitables pour toutes les solutions et s'inspirer des politiques adéquates sur la voie de la neutralité climatique ».

 

Les actions proposées à la Commission européenne dans cette lettre ouverte sont les suivantes :

  • Reconnaître le plein potentiel du secteur du bâtiment dans la réalisation d'une Europe climatiquement neutre
  • Veiller à ce que la révision des principaux dossiers législatifs, y compris la directive sur la performance énergétique des bâtiments (EPBD), soutienne une approche du carbone tout au long de la vie du bâtiment, en plus de l'accélération de la rénovation, et une plus grande transparence des performances atteintes
  • Reconnaître le potentiel de la méthode Level(s)- le cadre de l'UE pour les bâtiments durables – qui fournit une approche multicritère harmonisée, en développant la circularité et l'adaptabilité des bâtiments
  • Mettre en oeuvre la stratégie de l'UE pour un environnement bâti durable afin de garantir la cohérence des politiques et de coordonner la transition vers un environnement bâti durable dans l'UE
  • Travailler avec le réseau engagé des parties prenantes de #BuildingLife pour développer et mettre en oeuvre ces politiques transformatrice

 

 

Maxime Picard, directeur général d’Internorm France à Sausheim (67).

 

 

« Mesurettes et poudre aux yeux »

 

Directeur général de la filiale française du groupe autrichien Internorm (1 850 collaborateurs dans le monde qui réalisent 375 M€ de CA), Maxime Picard a le recul et l’observation encore plus vifs. Certes, il perçoit d’un bon oeil que la France s’intéresse enfin à faire évoluer ses bâtiments. « Mais, en tant que représentant en France d’une entreprise familiale autrichienne où l’écologie est un leitmotiv depuis 90 ans, j’ai une vision de ce qui se passe en Europe et je constate que nous sommes en retard de 10 ans par rapport aux pays germaniques. En France, on aime bien faire des "mesurettes", mais lorsqu’il s’agit de s’intéresser un peu plus au dossier, force est de constater que cela fait à peine trois à quatre ans que l’on commence à faire de l’isolation par l’extérieur. Il y a quelques semaines lors d’une réunion au siège d’Internorm en Autriche, on m’a fait remarquer que la France en était encore, pour 80 %, à l’isolation des maisons par l’intérieur alors qu’en Allemagne, en Autriche et en Suisse, l’Isolation Thermique par l’Extérieur (ITE) est courante depuis 15 ans. Il est vrai toutefois que leur climat est plus rigoureux que le nôtre… ». Internorm produit environ 700 000 fenêtres par an, dont 55 000 sont vendues en France. « Nous sommes concepteurs gammistes : nous concevons nos fenêtres et ne sommes pas uniquement assembleurs. Nous disposons de nos propres moules de fabrication pour concevoir nos barres de PVC. Nous fabriquons des produits sur mesure, à haute performance thermique, en triple vitrage pour 92 % et avec trois matériaux : PVC, PVC capoté aluminium ou bois (intérieur) et aluminium (extérieur). Nos fenêtres affichent un coefficient d’isolation thermique UW en dessous de 1.0 », souligne Maxime Picard. En France, le chiffre d’affaires d’Internorm est réalisé pour 80 % avec des rénovations et pour 20 % avec la construction neuve. « Dans cette dernière partie, nous travaillons majoritairement avec des constructeurs de maisons à ossature bois qui ont une conviction énergétique et écologique forte. Nous avons des produits qui correspondent à leur philosophie. Nous sommes également présents dans les maisons passives. Mais nous faisons très peu de promoteurs ou de pavillonneurs car eux recherchent à mettre en place les fenêtres les plus basiques possibles par rapport aux normes en vigueur pour faire de la marge dessus ». Maxime Picard apprécierait que l’État suive davantage la vision européenne de la rénovation et qu’il encourage les Français à aller vers davantage de performances en termes d’économies d’énergie. « J’aimerais aussi que le gouvernement cesse les mesures poudre aux yeux comme les crédits d’impôts… Cela permet d’accélérer le marché durant un ou deux ans mais il convient de mettre des coefficients acceptables en face. Le dernier coefficient en date était de 1.3 pour atteindre le crédit d’impôt. On devrait plutôt donner un gros coup de massue en exigeant des fenêtres à 1.0 pour pouvoir bénéficier d’une aide de l’État. Ce serait intéressant. Le problème de fond que nous avons est lié à la mentalité des pays latins : le Français consomme écologique quand il y a un intérêt financier, comme une aide de l’État. Mais pour majorité, il n’est pas "écolo" par conviction. Avec mes collègues autrichiens, allemands ou suisses, je constate que ces populations consomment vraiment pour réaliser des économies d’énergie, par conviction. Pour autant en France, l’intérêt pour l’écologie commence à poindre mais ce n’est pas encore naturel pour la majorité des personnes ».

 

 

Frank Müller, directeur commercial d’ISO-Chemie France.

 

 

Des produits d’étanchéité écologiques

 

Directeur commercial d’ISO-Chemie France, Frank Müller perçoit lui aussi les changements qui s’annoncent sur le bâtiment en France : « depuis deux ou trois ans, je sens que les choses évoluent vis-à-vis du bâtiment durable : les gens s’y intéressent davantage. Les architectes et les bureaux d’études sont plus sensibles à cette démarche : ils prescrivent des produits plus respectueux de l’environnement, plus écologiques ».

 

Créée en 1977, la société allemande Iso-Chemie est basée à Aalen, près de Stuttgart. C’est là que sont localisés le siège de cette belle PME familiale qui emploie aujourd’hui 200 personnes et son site de production de 60 000 m². « Nous fabriquons des produits d’étanchéité périphérique pour les fenêtres et les portes ainsi que des isolants thermiques pour le bâtiment. À la base, nous sommes transformateurs de mousse polyuréthane et de mousse polyéthylène, mais nous sommes très act ifs en matière d’innovations », souligne Frank Müller. Depuis plusieurs années, ISO-Chemie développe des produits durables dans le temps et plus isolants pour les bâtiments. Ils permettent d’éviter les déperditions énergétiques et les ponts thermiques. « Nous avons mis au point des mousses imprégnées qui intègrent également une membrane. Ces produits hybrides sont encore plus performants en termes d’étanchéité à l’air. Lors de la prochaine édition du salon Équipbaie, nous allons révéler notre nouveau produit, nommé Iso-Bloco Hybratec. Il est particulièrement adapté à la pose en tunnel et convient pour les espaces assez larges. Les joints sont beaucoup plus larges et plus performants sur le plan énergétique ».

 

En octobre 2020, ISO-Chemie avait déjà lancé une nouvelle gamme de produits, nommée Blue Line, dans laquelle elle substituait des produits naturels aux composants chimiques. « Dans nos membranes d’étanchéité Blue Line, nous remplaçons nos polymères par des produits à base de plantes comme la betterave, la canne à sucre, le blé ou encore le maïs… Ces produits contiennent des sucres naturels : ils entrent dans la composition de nos membranes de fenêtres qui résistent à l’air et à l’eau. Blue Line est une nouvelle gamme qui en est à ses débuts. L’enjeu est de fabriquer des produits dénués de substances chimiques. À terme, nous ne pourrions plus fabriquer que cela, à condition que le marché l’accepte. Blue Line n’est ni moins performant, ni plus cher que les autres produits. Mais il nous faut sensibiliser les clients à cette démarche écologique, notamment les prescripteurs que sont les architectes », indique Frank Müller.

 

Le directeur commercial d’ISO-Chemie France se sentil préparé vis-à-vis de la législation française ? Réponse : « nos produits offrent des performances énergétiques reconnues. Nous sommes, dans notre domaine, le premier fabricant reconnu par le label Passivhaus. Nous avons aussi été parmi les premiers à réaliser des déclarations environnementales des produits avant que d’autres ne nous emboîtent le pas. Nous sommes tout à fait prêts à suivre les prochaines évolutions des normes en France. Nous suivons tout cela avec d’autant plus d’intérêt que nous avons des produits qui sont actuellement plus performants que ce que demande la législation », conclut Frank Müller.

 

 

ISO-Chemie annonce un programme d’investissement de 50 M€ sur 5 ans pour doubler la taille de son site de production. Une première tranche a déjà été livrée. Il s’agit de faire face à la croissance soutenue de la demande. L’industriel va recruter 200 personnes et prévoit de doubler son effectif d’ici à 2023.

 

 

 

L’Observatoire National de la Rénovation Énergétique (ONRE) évalue à 2,1 millions les logements rénovés en 2019. Mais ce chiffre cache des réalités différentes : de simples gestes comme un changement de chaudière, un changement de fenêtres, une isolation de combles côtoient des rénovations globales, plus ambitieuses. Ce sont ces dernières qui permettent les meilleurs résultats et que le gouvernement souhaite encourager.

 

 


© Takuji Shimmura   © Plan Bâtiment Durable   © James Newton   © Arnaud Bouissou   © Rehau   © Internorm   © VMA   © Lüthisscheider GmbH 2019   © ONRE


Source : verre-menuiserie.com

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