Comment concilier sobriété énergétique et contraintes architecturales ?

La recherche de sobriété énergétique est une question transverse qui n’anime pas que le secteur du bâtiment.
Elle tend à réduire les consommations, mais aussi à changer les comportements et les process, à commencer par les modes constructifs et de réhabilitation.
Comment les architectes se positionnent-ils ? En 2023, l’Ordre des architectes a par exemple signé “La charte d’engagement pour la sobriété des bâtiments tertiaires”, initiée par le gouvernement dans le cadre du Plan de sobriété énergétique, et par de nombreux acteurs privés, fédérations professionnelles et groupements. Objectif ? Contribuer à la réduction de la consommation d’énergie de 40 % d’ici 2050. L’exploitation des bâtiments tertiaires représente en France un gisement considérable d’économie d’énergie finale et de réduction des émissions directes de gaz à effet de serre. L’Ordre des architectes, engagé dans cette démarche, devait par suite définir des objectifs d’amélioration avec les agences d’architecture et faire remonter les freins et les leviers identifiés par les architectes.
Le programme de réhabilitation de la résidence Le Palacio est lancé
© C. Fillieul – Groupe CDC Habitat - CDC Habitat, Noisy-Le-Grand (93), Le Palacio, mai 2016
Située au sein des Espaces d’Abraxas, icône de l’architecte Ricardo Bofill à Noisy-le-Grand, ce projet ambitieux vise à moderniser un ensemble architectural emblématique pour en améliorer durablement les conditions de vie. Depuis 2019, CDC Habitat Ile-de-France a engagé une démarche de concertation avec la copropriété et les partenaires institutionnels pour construire un projet adapté aux enjeux du site et aux besoins des résidents. Ce chantier présente un défi architectural particulier en raison de la structure du bâtiment, qui s’organise en 18 étages et 4 blocs de 2 bâtiments chacun, reliés par des coursives extérieures et comprenant de nombreux espaces communs. Construite entre 1978 et 1983, la résidence Le Palacio comprend 441 logements, dont 329 logements sociaux gérés par CDC Habitat Ile-de-France. L’ensemble immobilier fait désormais face à des défis majeurs liés à l’usure du bâti, aux performances énergétiques insuffisantes et au vieillissement des équipements.
Les travaux, qui s’échelonneront jusqu’en 2027, devront répondre aux exigences actuelles en matière de performance énergétique, de sécurité et d’accessibilité : confort thermique amélioré grâce à l’isolation des murs pignons, des planchers bas et toitures terrasses, remplacement des fenêtres et portes palières, remplacement des caissons VMC, modernisation des parties communes et des équipements collectifs, mise aux normes des installations de plomberie et de ventilation, garantissant une meilleure qualité de l’air, etc.
Architecture bioclimatique
La sobriété ne concerne pas que le tertiaire, mais l’ensemble du bâti. Plusieurs initiatives en témoignent. Certains architectes militent en faveur de l’architecture dite bioclimatique, qui consiste à concevoir un édifice en adéquation avec les spécificités de sa localisation et de son exposition dans l’objectif de réduire les besoins en énergie de ses futurs occupants, tout en améliorant leur confort.
© François Lichtle - Grand Prix du Jury Passibat’ — Maison de pays de Licques – Photographe François Lichtle
Le Salon du bâtiment bioclimatique et de la sobriété énergétique Passibat, organisé par l’association la Maison du passif, s’est tenu à Nogent-sur-Marne en mars autour du thème “Performance énergétique et frugalité”. Chaque année, Passibat’ remet les trophées du Bâtiment passif. En 2025, l’agence Tandem+ a décroché le grand prix du jury pour son projet “Maison de pays de Licques”. Livrée en juin 2024, cette maison de pays – destinée à accueillir différents services (pôle santé, crèche, école de musique) dans le Pas-de-Calais, a été construite en pierre de taille naturelle extraite à moins de 20 km du site, avec une empreinte au sol, réduite au strict minimum. Le prix “Projet neuf” a été décerné au Gymnase Le Trois (3 000 m2) à Ernstein près de Strasbourg (architectes Ajeance, études thermiques Solares Bauen). Le rez-de-chaussée, un socle en structure béton, pour l’inertie, est complété par un étage en ossature bois, habillé à l’extérieur d’un bardage en tôle ondulée perforée, l’ensemble étant isolé en ouate de cellulose et laine de bois. La toiture végétalisée est équipée de panneaux photovoltaïques. L’entrée se prolonge d’un mur-rideau en façade sud…
Réhabilitation énergétique à Aix-en-Provence
© Bouygues Batiment Sud-Est - Bati-Sobre : un projet de réhabilitation qui s’inscrit dans une démarche responsable et durable. Lou Grillet – Bouygues Batiment Sud-Est
Bouygues Bâtiment Sud-Est participe à la réhabilitation énergétique, technique et architecturale de logements locatifs sociaux de huit résidences du quartier Encagnane à Aix-en-Provence. Ce quartier fait l’objet d’un programme de rénovation urbaine lancé en 2021 dans le cadre du Nouveau Programme National de Renouvellement Urbain (NPNRU).
Cette opération de réhabilitation, menée par l’ESH (Entreprise Sociale pour l’Habitat) Famille & Provence, a été confiée à un groupement – composé de Bouygues Bâtiment Sud-Est, de l’architecte Sébastien Labastie et du bureau d’études Solair. Les travaux démarreront au second semestre 2025 pour une durée de deux ans.
Sélectionné par l’Ademe dans le cadre du programme “Bati-Sobre”, le chantier fera une grande place à la sobriété matière et au réemploi.
Cette seconde tranche de réhabilitation – après une première tranche de réhabilitation de 245 logements – concerne 442 logements collectifs, mis en location à partir de 1970 répartis au sein de 8 résidences en R+3 et R+4. L’amélioration de la performance énergétique devrait permettre de réduire les charges locatives et d’assurer le confort thermique des locataires, été comme hiver. Objectif, abaisser le niveau de consommation énergétique de 20 % au moins.
Les travaux de performance énergétique portent sur l’amélioration de l’enveloppe des bâtiments et la mise en place d’équipements techniques. Le projet permettra d’atteindre un niveau BBC Rénovation.
Au programme : réfection des salles de bains et remplacement des sols pour certains logements, travaux d’entretien et de mise en sécurité.
Sur le plan architectural, le projet revalorise les bâtiments par un traitement sobre et contemporain des façades, avec un jeu de couleurs donnant un caractère très résidentiel aux immeubles. La rénovation des garde-corps, des séparatifs de terrasses, la mise en place de brise-vues et de stores bannes sur chaque balcon permettront d’assurer l’animation des façades tout en prenant en compte les enjeux bioclimatiques.
L’opération de réhabilitation entre dans une démarche d’économie circulaire et favorisera le réemploi des matériaux (réemploi in-situ, incorporation de matériaux issus de la déconstruction d’autres sites aux alentours, réemploi ex-situ, mise en place d’animations de chantier en faveur du réemploi).
- Septembre 2025 – fin 2027 : exécution des travaux ;
- Maître d’Ouvrage : ESH Famille & Provence ;
- Assistant Maître d’Ouvrage : Alterea ;
- Groupement de Conception Réalisation : Bouygues Bâtiment Sud-Est – Entreprise générale ; Sébastien Labastie – Architecte Bet Solair.
S’approprier des thématiques nouvelles
Afin de permettre aux acteurs d’échanger sur des thématiques nouvelles, d’en appréhender les enjeux et d’envisager à moyen terme la mise en place d’expérimentations, sur fond de RE2020 et d’écoconception des bâtiments (économie circulaire, qualité de l’environnement intérieur, adaptation au changement climatique, low tech, réduction des émissions de carbone et des consommations énergétiques), les groupes de travail qui composent le projet CAP2030 ont rendu leurs premiers livrables publics. Lancé en octobre 2023, le projet est porté par l’Alliance HQE-GBC, le Collectif Effinergie et le Collectif des Démarches Quartiers Bâtiments Durables, avec le soutien de la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) et de l’Ademe, l’appui scientifique et technique du CSTB et l’accompagnement du Plan Bâtiment Durable.
© 11h45 : Gymnase Le Trois — Prix Projet neuf Passibat’
Ce projet a ainsi mobilisé, sur sa première phase de travail, plus de 1 000 professionnels au sein des neuf groupes de travail thématiques. Chaque groupe de travail est piloté par le GIE, avec l’appui du CSTB. D’octobre 2023 à l’automne 2024, sous l’autorité du GIE, les groupes de travail ont élaboré des propositions. Les livrables de la phase 1 publiés sur le site du Plan Bâtiment Durable sont la synthèse de ces travaux et l’expression des porteurs du projet. Ils abordent – entres autres – le renforcement de la perméabilité à l’air de l’enveloppe ou le partage des enjeux de la low tech et leurs implications, etc.
À suivre…
K•Line met en lumière les bureaux de l’agence K&+ architecture
© K&+ Architecture Globale - 133 menuiseries de la gamme K•Line City, installées dans les bureaux de l’agence K&+ Architecture Globale
Dans le quartier de Meinau à Strasbourg, les anciens locaux de l’usine Spiertz désaffectée, ayant laissé place à une friche industrielle, viennent d’être réhabilités. Le bâtiment accueille aujourd’hui les bureaux de l’agence K&+, le bureau d’études Dynami(x), un espace de coworking et, en rez-de-chaussée, une brasserie de 80 couverts.
L’immeuble traversant de seulement 10 m de large bénéficie d’une hauteur sous plafond généreuse, d’une vue dégagée et d’une belle luminosité naturelle, grâce à de larges ouvertures qui ont été conservées. D’inspiration Bauhaus, le bâtiment a été surélevé pour se transformer en lieu de vie lumineux et végétal. Après remplacement du support de toit au moyen d’un système bois/béton, l’ouvrage a été précisément surélevé grâce à la pose de deux attiques en ossatures bois et habillées d’aluminium (surface : 240 m2).
L’agence K&+ architecture y a installé ses bureaux (2 022 m2) suivant les plans conçus en interne. Au total, 133 menuiseries de la gamme K•Line City, système modulable et sur mesure prêt-à-poser, ont été installés pour préserver l’esthétique du bâtiment et optimiser sa performance thermique et acoustique.
« Nous avons été séduits par la gamme City qui respectait l’esprit industriel du bâtiment en combinant petits carreaux et grandes baies, tout en offrant un haut niveau de performance et un véritable confort d’utilisation. Les châssis sont parfaitement intégrés à la façade, sans surépaisseur et la teinte bicolore des menuiseries permet d’obtenir des couleurs chaudes à l’extérieur et blanches à l’intérieur. Les stores microperforés et le traitement solaire atténuent aussi les reflets sur les écrans d’ordinateurs et la surchauffe, alors que notre façade ouest est ensoleillée l’après-midi. L’expertise de K.Line nous a également permis d’atteindre une performance acoustique entre 29 et 34 dB, afin d’étouffer les bruits provoqués par le passage des poids lourds à proximité », a déclaré Daniel Gasser, architecte DPLG et associé cogérant de l’agence dans un communiqué.
— Véronique Méot
Photo ouverture © C. Fillieul – Groupe CDC Habitat - La résidence Le Palacio, située au sein des Espaces d’Abraxas à Noisy-le-Grand fait face au projet ambitieux de modernisation de cet ensemble architectural emblématique conçu par l’architecte catalan Ricardo Bofill