Quand l’habitat se transforme face à la réduction du sol

La raréfaction des sols disponibles encourage le secteur à construire des logements autrement et à réinventer un modèle d’habitat.

Une mutation en profondeur.

 

Entre les objectifs de Zéro Artificialisation Nette (ZAN) des terres et les réglementations environnementales, le secteur du bâtiment doit repenser ses pratiques. La France s’était en effet fixée d’atteindre le Zéro Artificialisation Nette des sols en 2050 par la loi "Climat & Résilience" en 2021 (avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers sur la décennie 2021-2031, par rapport à la décennie précédente 2011-2021). Le sujet est revenu dans l’actualité en 2025 avec la loi TRACE (Trajectoire de Réduction de l'Artificialisation Concertée avec les élus) et ses ambitions ont été revues à la baisse : méthode de calcul assouplie, délai supplémentaire, renforcement du rôle des élus, etc. L’idée étant de concilier écologie et développement territorial. La loi TRACE, adoptée en première lecture par le Sénat le 18 mars 2025, doit être examinée par l’Assemblée nationale… Quoi qu’il en soit, la tendance s’est installée dans le paysage et l’étalement urbain doit être réduit.

 

Réhabiliter, rénover plutôt que construire 

 

Parmi les solutions, la réhabilitation des friches fait des émules, d’autant que sur le territoire, le potentiel est réel. Le Cerema recense 15 000 friches en 2025, soit 60 000 ha cumulés (dont 9 000 friches identifiées par les observatoires locaux) : 33 % de friches sont issues de l’habitat, 22 % d’activités industrielles. Quelques 28 % des friches recensées par les observatoires locaux (soit 2 400 unités rassemblant 8 000 ha) font déjà l’objet d’un projet de reconversion. Au total, le Cerema estime entre 80 000 à 140 000 ha de friches disponibles en France, dont 50 % des friches seraient potentiellement mobilisables pour l’industrie et 33 % pour le logement. Un réservoir. 

 

Exemple emblématique de cette tendance, l’écoquartier fluvial de L’Île-Saint-Denis a reçu le Grand Prix de l’aménagement 2025, décerné par l’UNAM (Union Nationale des Aménageurs) dans le cadre du SIBCA 2025 (Salon de l’Immobilier Bas Carbone). Intégrant le Village des Athlètes des Jeux de Paris 2024, cet écoquartier transforme une ancienne friche industrielle en un quartier bas carbone, mixte et inclusif, conciliant attractivité économique, qualité de vie et transition écologique. Sur 14 hectares, le projet se déploie sur 153 000 m² de surface de plancher, et englobe 47 000 m² sdp répartis en 13 lots immobiliers, la phase Héritage (335 logements toutes typologies, accession libre, logement social, BRS), une résidence étudiante, une cité des arts, un hôtel, deux programmes tertiaires, un pôle nautique, un parc, des berges de Seine réaménagées et 7 600 m² d’équipements publics, dont deux centrales de mobilité innovantes. Ce projet est le fruit d’un partenariat étroit entre Plaine Commune, la Ville de L’Île-Saint-Denis et Plaine Commune Développement, et rendu possible grâce à l’implication de nombreux acteurs publics et privés (Région Île-de-France, État et Solideo, Paris 2024, Agence de l’Eau Seine-Normandie, Groupe Pichet-Legendre, agence Philippon-Kalt).

 

© Groupe Giboire - Silhouette emblématique du patrimoine nantais, la Tour Bretagne se prépare à une transformation en phase avec les nouveaux enjeux architecturaux écoresponsables, et ouvre, à l’ère des transitions, l’opportunité d’une nouvelle destinée : création d’un socle commercial actif, maintien du stationnement et ouverture aux mobilités décarbonées et douces, ouverture d’un espace à vocation de tiers lieu ou d’incubateur, création d’un hôtel de 100 chambres, d’une offre de logements, et enfin création d’un roof top de 700 m² ouvert au public

Agences PCA-Stream & Magnum Architectes et Urbanistes - Photos : Groupe Giboire

 

Autre exemple, le Groupe Giboire vient d’annoncer le lancement officiel du chantier de réhabilitation de la Tour Bretagne, bâtiment emblématique de la silhouette nantaise depuis 1976, qui prendra plusieurs années. Fermée depuis 2020, la Tour va entamer une métamorphose d’ampleur en transformant des bureaux en logements. Imaginée par les agences PCA-Stream & Magnum Architectes et Urbanistes, le projet a vocation à redonner aux Nantais un lieu central, ouvert et animé. Ainsi, l’édifice devrait faire cohabiter environ 200 logements, un hôtel 4 étoiles de plus de 100 chambres, un restaurant panoramique et un lieu de coworking. Une "jauge libre" de près de 1 000 m² sera dédiée à des acteurs locaux de l’économie sociale et solidaire et culturels. Le 33e étage hébergera un lieu de convivialité et de culture en rooftop et le 34e abritera un belvédère gratuit et accessible à tous, offrant une vue exceptionnelle à 360° ! Le choix d’une réhabilitation plutôt que d’une démolition-reconstruction place ce projet au cœur des enjeux environnementaux actuels. En conservant la structure existante, le Groupe Giboire et ses partenaires engagent un chantier de sobriété, qui doit permettre d’économiser près de 7 000 tonnes de CO2, correspondant à la préservation de plus de 14 000 m³ de béton et de 1 600 tonnes d’acier. Le projet a été pensé dans une logique bioclimatique et de sobriété énergétique : la future Tour sera raccordée au réseau de chaleur urbain ERENA, alimenté à 84 % par des énergies renouvelables et de récupération locale, supprimant tout recours aux énergies fossiles.

 

Enfin, totalement minérale, la Tour devrait intégrer demain la nature (toitures et terrasses végétalisées, treillis végétaux, nichoirs et refuges pour la biodiversité…).

 


Reconversion d’une ancienne cimenterie en un quartier résidentiel durable, en bord de Seine à Cormeilles-en-Parisis (95)

 

© Devisubox - Reconversion d’une ancienne cimenterie en bord de Seine à Cormeilles-en-Parisis

 

Brézillon, filiale de Bouygues Construction, met désormais ses spécialités de génie environnemental au cœur d’un nouveau positionnement stratégique. Brézillon a ainsi réalisé un accompagnement global sur le projet de reconversion d’une ancienne cimenterie en un quartier résidentiel durable à Cormeilles-en-Parisis (95). L’entreprise est intervenue en phase conception (procédure tiers demandeur, optimisation de la programmation), durant les travaux préparatoires (défavorabilisation, création d’accès, dépollution, terrassement) et construction (valorisation des déblais sur l’un de ses écocentres).

Maîtrise d’ouvrage : UrbanEra (Bouygues Immobilier) 

Maîtrise d’œuvre environnement : Tauw France 


 

© Jérôme Epaillard - Grands terrassements Cormeilles en Parisis

 

Recyclage immobilier

 

Longtemps assurée par la construction neuve, la production de logements s’oriente aujourd’hui vers la rénovation. La transformation du bâti s’invite dans le débat en proposant des ensembles mixtes associant des tiers-lieux, des résidences intergénérationnelles, etc.  

 

Par exemple, avec Archipel habitat, Espacil habitat, la Banque des Territoires et l'ANRU, Rennes Métropole expérimente, dans les quartiers, une nouvelle offre de logement social entre la réhabilitation et la construction neuve. Dans un communiqué commun, les partenaires annoncent qu’Espacil Habitat et Archipel Habitat portent chacun un projet d’envergure de recyclage immobilier dans deux quartiers, politique de la ville, respectivement Villejean et Maurepas Gros Chêne. Le projet conduit par Espacil Habitat implique le recyclage total de deux immeubles situés au 2 et 8 rue du Bourbonnais à Rennes qui comptaient 165 logements en vue de la création de 211 nouveaux logements, d’un pôle médical, ainsi qu’un pôle petite enfance. Les opérations gérées par Archipel Habitat en recyclage immobilier à l’échelle du quartier du Gros-Chêne, concernent la transformation de plus de 900 logements répartis sur 10 tours. Dans un souci de mixité et diversité fonctionnelle, 1 logement sur 5 est transformé en résidence destinée aux jeunes actifs ou en logement intermédiaire dédié aux classes moyennes, ou enfin, cédé en Bail Réel Solidaire (une vingtaine de logements par paire de tours). 

 

Eiffage Construction a annoncé avoir signé le 24 septembre dernier avec 3F Normanvie, pour un montant de 40,8 M€, un contrat en conception-réalisation pour la réhabilitation de 620 logements en site occupé, ainsi que la surélévation et l’aménagement de combles et greniers pour la création de 44 logements neufs. Située rue Marin le Pigny à Rouen, l’opération, qui comprend 10 bâtiments, sera réalisée en collaboration avec les cabinets d’architecture Ataub Architectes et Ithaques, le bureau d’études Oteis et l’économiste Icegem. Les travaux débuteront début 2026 pour une livraison prévue en décembre 2028.

 

Le projet porte de fortes ambitions environnementales en visant les seuils 2028 et 2031 de la RE2020, ainsi que les labels BBC Rénovation 2024 et BEE pour la partie neuve.

 

Construire la ville sur la ville

 

Enfin, construire en hauteur au-dessus de l’existant n’est pas sans contraintes, mais l’idée commence à intéresser réellement les collectivités territoriales, surtout dans les zones les plus tendues. Ce qui vaut pour le collectif semble valoir au niveau individuel. Ainsi, une étude datée de mai 2025 et menée par Opinionway pour Viveo, expert en surélévation clé en main, révèle que 71 % des Français estiment que la surélévation est une solution pertinente pour faire face à leurs changements de vie. Une tendance encore plus marquée chez les jeunes adultes (84 % chez les 18-24 ans) et les locataires en maison (82 %). 80 % des Français pensent que l’avenir de l’habitat passe par la transformation des bâtiments existants plutôt que par la construction neuve. Plus responsable, moins consommatrice d’espace naturel, la transformation (dont la surélévation fait partie) s’impose comme une alternative écologique et logique à l’étalement urbain.

 


 À savoir ! 

À l’occasion du Congrès Hlm 2025, Efficacity et Eiffage Aménagement ont annoncé un partenariat stratégique de trois ans pour développer et déployer à grande échelle des solutions numériques innovantes au service des villes bas carbone. Au cœur de cette alliance : deux outils de référence, UrbanPrint (logiciel de référence pour l’évaluation des impacts environnementaux des projets d’aménagement ou de rénovation urbaine à l’échelle du quartier, basé sur la méthode Quartier Énergie Carbone promue par la DGALN et l’Ademe) et EnergyMapper (logiciel permettant d’identifier et de quantifier les gisements d’énergies renouvelables et de récupération – ENR&R – autour des projets, et d’optimiser le mix énergétique).


 

— Véronique Méot

 


Photo ouverture © Ville de L’Île-Saint-Denis - Fruit d’un partenariat étroit entre Plaine Commune, la Ville de L’Île-Saint-Denis et Plaine Commune Développement, l’écoquartier fluvial de L’Île-Saint-Denis a reçu le Grand Prix de l’aménagement 2025, décerné par l’UNAM (Union Nationale des Aménageurs) dans le cadre du SIBCA 2025
Source : verre-menuiserie.com

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