L’automatisation et la gestion des flux de production permettent de réorganiser les ateliers des transformateurs verriers et des menuiseries.
Mais quels résultats peut-on espérer en termes de productivité et de retour sur investissement ? Réponses…
Profitant de l’arrêt estival, certains industriels verriers et menuisiers investissent pour automatiser leur atelier : « Le 1er août, des verriers me confient la clé de leur usine. Quand ils la récupèrent, les tables de coupe et les composants que nous ajoutons sur les lignes de production doivent fonctionner », témoigne Daniel Kolopp, directeur Hegla France, qui a réalisé 7 installations cet été pour des montants de 300 000 € à 2 M€. Sur le marché français, l’allemand Hegla travaille au contact de grands transformateurs : Devglass, Caloriver, Saint-Gobain… Tous cherchent à automatiser l'ensemble de leur process industriel.
FOM France, entité employant 140 personnes en intégrant les activités liées aux sociétés RIM et Dubus, a aussi beaucoup travaillé en renouvelant de petits équipements et en installant des machines de débit usinage permettant de réduire la manipulation des profilés. « Les clients ayant opté il y a quelques années pour un centre d'usinage statique, veulent encore plus de lignes automatisées. Ils recherchent des gains de productivité », explique Gilles Le Bagousse, directeur commercial FOM France.
© Groupe Hétage - DGM Industries - D.R. - Spécialiste de la transformation des profilés pour la menuiserie aluminium ou PVC, DGM Industries est capable de livrer une ligne de production clé en main pour fabriquer des fenêtres en aluminium et en PVC ; ci-dessus, manutention automatisée
Un constat que partage Christophe Garde, directeur associé de DGM Industries et Corba Industries : « Gammistes et fabricants de menuiseries cherchent avant tout à augmenter leur cadence de production. Aujourd’hui, nous pouvons leur livrer une ligne de fabrication de fenêtres en aluminium et en PVC clé en main. Nous intervenons du débit de la barre jusqu'à la palettisation de la fenêtre en proposant du matériel très automatisé et à forte productivité tout en préservant une production qualitative ».
Propriété du groupe Hétage (employant 90 salariés dans trois entreprises et qui réalisera 23 M€ de CA en 2025), DGM Industries cible prioritairement les 100 premiers acteurs industriels français. Cette même clientèle est visée par les marques du Groupe italien Voilàp, en particulier Emmegi (plus de 700 personnes, environ 200 M€ de CA en 2024) et elumatec qui figurent au premier et au deuxième rang mondial des machines pour les profils aluminium et acier.
Emmegi France (16 personnes, plus de 8 M€ de CA) commercialise notamment des robots polyarticulés classiques ou des tables de chargement et de déchargement automatisées. « Nous les ajoutons à nos centres d’usinage ou de débit usinage », résume Franck Touri, directeur général Emmegi France.
L’Internet des Objets séduit plusieurs types de clientèles
Gilles Le Bagousse remarque que l’intégration de l’Internet of Things (IoT) ou Internet des Objets se renforce chez ses clients car elle améliore la communication entre les machines, les données numériques étant transmises sans rupture : « Cela permet d’effectuer des coupes, des usinages et des assemblages avec plus de précision et, surtout, de réduire considérablement les reprises et les non-conformités ».
La progression de l’IoT est comparable à celle de la voiture électrique, et parce qu’elle bouleverse les façons de faire, elle a du mal à se lancer. « Nous détenons les outils IoT, mais devons passer du temps auprès de nos clients pour leur en démontrer l’intérêt afin qu’ils les acceptent. Pour l'instant, j’estime que nous en sommes à 50 % du développement. Mais avec l'aide des gammistes et des professionnels qui entourent notre métier, nous parvenons progressivement à mettre en place ces systèmes automatisés qui participent à une meilleure gestion des flux, réduisent les manipulations et permettent un niveau de traçabilité des produits optimisé tout au long du process », expose Gilles Le Bagousse.
© FOM Group - D.R. - Dubus conçoit notamment des produits pour améliorer le rangement automatisé des pièces dans des casiers. « Nous standardisons le process pour un rangement automatique des barres coupées et usinées dans des chariots en sortie de ligne », souligne Gilles Le Bagousse, directeur commercial FOM France
Les industriels qui ont une grande productivité et un besoin indispensable d’outils automatisés et connectés ont été les premiers à se lancer. En particulier ceux qui travaillent le PVC, produit d’entrée de gamme le plus concurrencé. Le prix du profilé de PVC ne bougeant pas, seule la réduction du temps de production permet de gagner de l’argent. La raccourcir permet de baisser les prix des produits, donc de conquérir de nouveaux clients et d’augmenter ses volumes, ce qui permet d’installer une spirale vertueuse. « Mais cela oblige à détenir un temps de production très court et à le contrôler systématiquement et de façon poussée pour optimiser sa marge. Produit à forte valeur ajoutée, l’aluminium est bien moins sensible à la notion de temps de production », explique Franck Touri.
Pour sa part, FOM France travaille aussi bien avec les grands industriels qu’avec les PME qui fabriquent des menuiseries et qui répondent à des marchés d’appels d’offres dans l’univers du bâtiment. Elles doivent trouver des gains de productivité pour être au niveau de leur concurrence, notamment étrangère. « Les PME qui vendent à des professionnels ont les mêmes besoins d'économie, de gains… que les industriels qui produisent de façon beaucoup plus importante. Je suis persuadé que même l'artisan, dans les années à venir, se mettra aux outils automatisés et à l’IoT. La performance et le gain qu’il pourra en tirer sur le coût de la fabrication et de la commercialisation de leurs produits seront vraiment intéressants », prédit le directeur commercial de FOM France.
Calculer le gain de productivité lié à l’automatisation
Mais comment peut-on calculer le gain de productivité découlant de la mise en place d'une ligne automatisée dans son atelier ? Cela dépend à 100 % de la production de l’entreprise. Si le nombre de pièces à usiner est peu élevé, mieux vaut préserver une machine de coupe d’un côté, et un centre d’usinage de l’autre, pour travailler en temps masqué : l’on coupe ses pièces et les usine par la suite.
Mais avec un volume supérieur de pièces à fabriquer, une telle solution devient insuffisante, car les manutentions entre les machines entraînent des temps morts de plus en plus importants.
« Avec un centre de débit usinage, vous pouvez mettre votre barre de 6 m sur la table de chargement et sortir toutes les pièces coupées et usinées sans intervention humaine. Il suffit d'une minute à une minute et demie par pièce. Avec de gros volumes, la question est de savoir si vous êtes capable de les produire en 8 h ou en 7 h ? Allez-vous employer deux machines ou bien une seule ? Est-ce que vous avez besoin de deux opérateurs ou d’un seul ? Avant de proposer telle ou telle machine, une étude est nécessaire pour présenter la solution la plus pertinente », renvoie Franck Touri.
© VMA/A.B. - Face à la tendance d’automatiser l'ensemble du process industriel, Hegla propose des lignes de coupe sans opérateur avec des rompages automatiques X, Y, Z. Ci-dessus, flux de verre continu depuis la découpe jusqu’à la ligne de verre isolant avec le SortJet
« Le gain de productivité dépend de l'organisation industrielle de la PME. Mais après un temps d’adaptation de 4 à 5 mois aux nouvelles machines, il peut atteindre de 30 % au minimum pour un client organisé à plus de 70 %, voire 80 %, pour quelqu'un qui était moins bien organisé », estime Gilles Le Bagousse.
Et combien de temps une entreprise qui achète une machine mettra-t-elle pour obtenir un retour sur investissement ? « Sur une ligne de débit usinage, il peut se faire pendant la période d'amortissement de la machine, soit 5 ans », calcule Gilles Le Bagousse.
Au-delà du gain de productivité que l’on peut obtenir sur la coupe et l’usinage, il importe aussi de préparer l’assemblage des pièces afin d’éviter de créer un entonnoir. FOM France fabrique des sertisseuses automatisées qui peuvent être conduites par une seule personne tout en étant capable d’absorber le flux d'une à deux lignes de débit usinage. « En remplaçant trois personnes par une ligne automatisée de sertissage, nos calculs estiment l’amortissement de la machine à un maximum de trois ans », affirme le directeur commercial de FOM France.
Simplifier l’utilisation et le pilotage des machines
La simplification de l'utilisation des machines est un argument important pour favoriser leur diffusion. elumatec a imaginé eluCad, une interface qui simplifie la programmation des opérations. « L’utilisateur ne programme pas lui-même du code ISO : il saisit simplement ses données dans une interface graphique. Convivial, eluCad est compatible avec l’ensemble des logiciels de fabrication », précise Yvon Wirz, directeur général d’elumatec France.
De nombreux acteurs souhaitent aussi rendre plus simple l'utilisation de toutes les lignes de production jusqu’ici pilotées indépendamment. « Nous essayons de regrouper le pilotage sur un même support », rapporte Daniel Kolopp. « Nous développons des drivers dans différents modes de langage, des "moulinettes" qui permettent de discuter avec tous les ERP existants du marché. Il est donc inutile de revoir complètement le système de communication informatisé de l'entreprise », explique pour sa part, Franck Touri.
Éditeur de logiciels professionnels depuis plus de 25 ans, le Groupe Elcia emploie aujourd’hui 265 collaborateurs. Ses solutions ont déjà séduit 43 000 utilisateurs, dont 11 500 emploient Diapason, le logiciel ERP développé pour la menuiserie, le store et la fermeture.
« Diapason permet aux fabricants d’automatiser leur process, de maîtriser leurs flux de gestion et d’information et de piloter leur activité de manière globale. Quelle que soit la taille de son entreprise, le fabricant améliore sa rentabilité. Notre ERP intervient sur la partie automatisation numérique via Diapason Tempo, sa brique fonctionnelle web », résume Roland Peyran, directeur commercial Elcia ERP.
Diapason Tempo Atelier permet de centraliser les informations essentielles à la fabrication directement sur les écrans de l’atelier. Guidés par un meilleur confort de travail, les opérateurs sont moins confrontés aux erreurs et au papier.
Deuxième avantage : la traçabilité de 100 % de l’information permet de fixer des règles pour un meilleur respect du contrôle qualité. « C’est très important pour les certifications de nombreux contrôles. Avec les écrans dans les ateliers, plus besoin de retraitement de l’information. En cas de soucis, on en trouve tout de suite l’origine », argumente Roland Peyran.
Une fois les menuiseries fabriquées, il est impératif de pouvoir suivre les déplacements des colis et de constituer les palettes entre la sortie de l’atelier et le chargement du camion. Le Groupe Elcia a conçu une solution mobile pour les opérateurs logistiques… « Avec Diapason Tempo WMS, ils visualisent l’emplacement exact de leurs colis et palettes en temps réel sur smartphone et tablette. Ils voient les tâches à effectuer. Tous les mouvements de stock dans l’usine (depuis le magasin vers les zones de fabrication, à l’intérieur des magasins…) sont aussi traités via Tempo », défend Roland Peyran.
Recueillir les données de production et les analyser
Récupérer et traiter les informations concernant les pannes, les temps d’utilisation des machines et leur productivité constitue une nouvelle étape. « Nous travaillons avec des clients pour recueillir les données qui les intéressent et leur procurer une interface pour qu'ils puissent les récupérer où ils veulent, avec les outils numériques de leur choix, comme une tablette. À n'importe quel moment, le dirigeant ou le responsable de production pourra piloter sa ligne et traiter les éventuels messages d’erreurs », relève Daniel Kolopp.
elumatec a imaginé la solution eluCloud qui enregistre les données de production des machines. En temps réel, les utilisateurs peuvent visualiser de n'importe quel point les opérations de production en cours. Les données sont mises à la disposition de systèmes externes à l'aide d’un ERP et d'une API REST associée.
Développée par le groupe italien Voilàp, la solution Voilàp Connect équipe un module d'entrée-sortie intelligent qui dispose de sa propre carte SIM. Il permet de communiquer avec le client et de recueillir une multitude d’informations : productivité de la machine, consommation d'énergie, nombre d'heures d’arrêt…
De son côté, Forel vient de dévoiler un nouveau logiciel de diagnostic permettant de bénéficier d’une aide beaucoup plus détaillée quand survient une erreur sur une machine. « Actuellement en cours de finalisation, ce logiciel pourra repérer la pièce qui pose problème et le client identifiera beaucoup plus rapidement la solution à mettre en œuvre sans forcément nous contacter », résume Christophe Soudais, directeur de la nouvelle succursale Forel North Europe de Forel.
© Forel - D.R. - Forel fait évoluer son software pour une nouvelle machine de cintrage des intercalaires
Lors du dernier Salon Vitrum, à Milan, Forel a présenté une évolution de software destinée à une nouvelle machine de cintrage des intercalaires. « Elle permet de mieux gérer la production, les stocks et la complète automatisation du process. Jusqu’à présent, quand nous produisions un cintre et qu’il restait un bout de profil, l'opérateur devait le remettre manuellement dans le stock. Maintenant, la machine est capable de gérer automatiquement la barre à utiliser. Et le client dispose de statistiques sur la consommation des profils », précise Christophe Soudais.
elumatec a développé un groupe de produits nommé eluCloud-Connector. Le moniteur eluCloud collecte les données des machines et de la production qui sont récupérées par le serveur eluCloud. Celui-ci enregistre tous les messages d'état et les met à disposition en vue de leur évaluation et exploitation. Le serveur eluCloud a été développé pour être intégré dans l'infrastructure informatique existante de l’entreprise.
« La solution eluCloud-Analytics permet de réaliser des analyses détaillées, notamment sur la capacité de production, l’avancement du traitement de la commande, l’évaluation de l'ensemble du parc de machines ou les durées de traitement des pièces. Des fonctions de filtrage permettent de donner des réponses précises sur la durée de production requise pour une commande ou une pièce », indique Yvon Wirz.
Pour exploiter les informations de ses clients, Hegla va recourir à l'intelligence artificielle. « En France, nous utiliserons l'IA au niveau du SAV à partir de septembre. Nous demanderons à l'intelligence artificielle de nous proposer un programme d’entretien... Ce type d’intervention lié à l’IA intéresse aujourd’hui davantage les Français que les Allemands… », note Daniel Kolopp.
© Emmegi - D.R. - Modulaire et personnalisable, le centre de débit usinage Plus Quadra Alta Highcapacity d’Emmegi peut embarquer des cycles d'usinage prolongés en mode entièrement automatique ; il propose jusqu'à 20 axes numériques pour la coupe, le fraisage et le perçage sur toutes les faces des profilés aluminium et alliages légers, y compris en bout de barre
Emmegi s’y intéresse également : « Dans un futur très proche, nous lancerons un SAV prédictif. Un contrôle des modules de la machine sera analysé à un instant T. S'il s’aperçoit d’un défaut ou d’un fonctionnement inhabituel, il déclenchera une alarme dirigée vers le client. Nous avons déjà développé une première partie qui est disponible sur les machines. Pour le prédictif, nous sommes en plein développement », annonce Franck Touri, directeur général France Emmegi. Encore à ses prémices industrielles, l’intelligence artificielle métamorphosera demain la façon de produire le verre et les menuiseries…
Photo ouverture ©VMA/A.B. - Le concepteur fabricant italien Lattuada référent de solutions et équipements haute technologie destinés au façonnage du verre plat, se distingue par le développement de systèmes dernière génération où le "tout automatisé" engage moins d’intervention humaine, plus de sécurité, de productivité et de responsabilité environnementale moins énergivore ; ci-dessus, les meuleuses Lattuada et le robot Kuka de son partenaire Knittel Glass et ses paramétrages prédictifs, permettent un traitement du verre Pack i-AL intégrant une gestion entièrement automatique de tous les paramètres
Source : verre-menuiserie.com