Deceuninck fait sa mue

Acteur extrudeur majeur du PVC, le groupe belge Deceuninck accélère sa mutation vers le multimatériaux.

« A la bourse de Bruxelles, le vendredi 28 janvier, l’action Deceuninck était cotée à 3,38 €, en hausse de 42,62 % sur un an. Avec quelque 467 M€ de capitalisation boursière, l’entreprise est un mastodonte du secteur de la menuiserie fermeture et du profilé PVC »

 

 

Qu’il semble dès lors bien loin le temps où Benari Deceuninck lançait en 1937 son entreprise à Beveren-Roeselare au nord de Courtrai (en région flamande), avec comme ambition de conquérir le marché avec des boutons en plastique et des peignes en bakélite, un polymère synthétique révolutionnaire pour l’époque.

Quelque 85 années plus tard, l’entreprise longtemps familiale n’est plus, mais la réussite entrepreneuriale demeure bien vivace. Aujourd’hui, Deceuninck est une multinationale présente dans 23 pays qui emploie pas moins de 3 700 salariés et dont le chiffre d’affaires a atteint 642 M€ en 2020. Si le siège social s’est déplacé de quelques kilomètres pour se poser à Hooglede-Gits en Belgique, c’est surtout l’activité industrielle qui a changé. Car les boutons ont été remplacés dès 1950 par la fabrication de lames PVC pour volets roulants. Le début d’une nouvelle ère pour une entreprise dont la marque elle-même deviendra une référence sur le segment de la menuiserie et des profilés bâtiment. Le groupe a, au fil des ans, organisé son déploiement géographique en constituant trois pôles principaux : les Etats-Unis, la Turquie et la région Europe de l’ouest à laquelle appartient bien évidemment la France ; car l’Hexagone est le premier marché en Europe avec un chiffre d’affaires de 80 M€ estimé pour l’exercice 2021. Un pays important pour son volume de ventes, mais aussi pour son portefeuille clients puisque Deceuninck y possède plus de 600 clients. Le volet roulant y est aujourd’hui l’un des produits phare, suivi par les menuiseries en composite ThermoFibra. Le coeur d’activité du groupe belge repose désormais sur les profilés de menuiserie fermeture avec 85 % de son chiffre d’affaires global provenant de ce segment, le reste étant généré par les profilés dédiés au bâtiment avec des produits tels que des lames de terrasse, des profilés de bardage ou encore de sous-toiture. 

 

 

 

© Deceuninck

L’usine française de Roye, située dans la Somme, a été la première
entité hors Belgique à voir le jour en 1985 ; elle fait partie des 18 unités de production
que possède le groupe Deceuninck et a permis d’engranger un CA de 80 M€ en 2021

 

 

L’aluminium attend son heure

Si la France apparaît centrale dans la réussite de l’entreprise, c’est aussi parce que c’est ici qu’en 1985 y a été créée la première filiale du groupe. Et le lieu d’implantation ne doit rien au hasard puisque l’unité de production développée à l’époque viendra s’installer à Roye dans la Somme. De quoi créer un noeud logistique entre la France et la Belgique et faciliter le trafic des marchandises.

 

 

© Deceuninck

Thomas Eyermann, directeur général Deceuninck France, a pris les rênes de la
destinée française du groupe en mars 2019 avec l’objectif de renforcer son marché BtoB
et BtoBtoC, le recyclage, mais aussi le développement des partenariats avec prescripteurs et architectes

 

 

Mais la France est loin d’être le seul pays à posséder un outil de production en propre. Deceuninck s’est ainsi largement développé au niveau mondial puisque l’industriel y a déployé 18 unités de production, lesquelles ont été complétées par 16 sites de distribution. Si l’Allemagne, la Russie, l’Espagne, les Etats-Unis ou encore la Pologne ont leur propre usine, d’autres pays comme l’Italie se contentent pour leur part de stocker et de distribuer des produits sortant des chaînes de production d’autres États.

 

 

© Deceuninck

Procédé d’extrusion des lames PVC à l’usine belge de Hooglede-Gits

 

 

Par ailleurs, certains sites sont spécialisés en fonction des spécificités techniques locales. C’est le cas de l’Angleterre, mais aussi de la Croatie qui répond à un marché où la coloration est très prisée par les acteurs locaux de la menuiserie industrielle. Le siège en Belgique reste néanmoins le coeur du réacteur. C’est en effet l’usine de Hooglede qui fournit des profilés standards à l’ensemble des marchés, mais aussi les profilés de couleur. En France, 25 % des profilés menuiserie commercialisés sont des produits colorés, mais leur extrusion est faite dans l’usine mère. Les profilés standards blancs en PVC sont toutefois fabriqués à Roye. Mais associer Deceuninck au seul matériau PVC qui a fait les belles heures du groupe serait largement réducteur. Car c’est désormais le multimatériaux qui prévaut.

 

 

© Deceuninck

Les profilés Deceuninck jouent sur la finesse et la masse vue,
donnant un aspect bien loin de la lourdeur traditionnelle des menuiseries PVC

 

 

L’industriel a ainsi lancé son profilé ThermoFibra, un matériau composite qui associe PVC et fibre de verre. Un développement qui s'inscrit dans la logique industrielle du fabricant qui avait déjà mis sur le marché en 2005 sa lame en composite Twinson associant pour sa part, fibre de bois et PVC. Quant au rachat de la société Decalu, il aura définitivement scellé la diversification matériaux en marche avec l’ajout dans la besace du groupe belge d’un spécialiste du profilé aluminium. Si pour l’heure, le produit reste uniquement commercialisé en Belgique, la France pourrait aussi à terme être un débouché de taille, et ce malgré la présence déjà bien marquée de gros faiseurs. « Nous avons sondé nos clients français pour savoir s’il existait un intérêt de leur part pour un produit en aluminium, et la plupart se sont dits favorables à sa commercialisation », précise Christelle Eckert, responsable marketing et communication de Deceuninck France.

 

 

© Deceuninck

Christelle Eckert, responsable marketing et communication de Deceuninck France

 

 

« Pour le moment, la gamme n’est pas adaptée au marché hexagonal car celui-ci impose de nombreuses spécificités techniques, notamment au niveau des dormants. Nous réfléchissons donc à l’évolution de nos gammes afin de pouvoir les commercialiser en France. Mais il s’agit d’investissements importants, et nous n’en sommes encore qu’au stade de la réflexion afin de voir si une gamme aluminium dédiée peut se justifier sur un marché déjà très concurrentiel. Reste que Deceuninck propose désormais une offre beaucoup plus large que le seul PVC, ce qui nous permet de toucher d’autres marchés, notamment avec nos profilés composite qui ont changé l’image de marque de l’entreprise ». Si l’industriel a su se diversifier, il a su aussi prendre en marche le train de l'écoresponsabilité. Un chargé de la politique bascarbone vient notamment d’être intégré dans les effectifs du siège afin de travailler à l’optimisation des usines et parvenir à réduire leur empreinte environnementale.

 

 

© Deceuninck

Spécialiste du profilé PVC, le fabricant belge s’est largement diversifié dans les matériaux
composites et recyclés

 

 

La coextrusion, dossier prioritaire

Mais le dossier majeur de ces dernières années reste indéniablement chez Deceuninck celui de la coextrusion, à savoir le mélange de PVC recyclé et de PVC vierge. Actuellement, entre 40 % et 50 % des profilés principaux en fenêtre sont coextrudés, la matière recyclée incorporée représentant entre 40 % et 90 % du produit final.

 

 

© Deceuninck

La coextrusion qui permet d’incorporer de la matière recyclée à du PVC vierge sera disponible
dès cette année dans l’usine française de Roye ; Deceunink a pour rappel rejoint la French Fab
en 2020 dans l’esprit d’un véritable écosystème que l’entreprise n’a cessé d’entretenir en liens
étroits avec industriels et artisans dans l’Hexagone

 

 

Pour capter de la matière première, le groupe industriel a ainsi mis en place une filière de recyclage, avec d’une part la collecte des déchets de production auprès de ses clients, mais aussi la récupération sur les chantiers d’anciennes menuiseries PVC. Le produit de cette récupération est ensuite envoyé en Belgique, puis traité sur place. Un système encore en phase de rodage, car des trous dans la raquette existent. En effet, la collecte auprès des installateurs qui se compte par milliers, demeure encore très faible. Deceuninck planche ainsi sur un système adéquat de collecte qui irait bien au-delà des gros dossiers ayant des volumes importés à recycler. Mais le fabricant reste optimiste et affiche d’ores et déjà la couleur : à terme, 100 % de ses profilés passeront par un processus de coextrusion, bannissant de fait le PVC vierge de ses lignes de production.

 

 

© Deceuninck

C’est au siège de l’entreprise en Belgique que sont traités les déchets issus
de la collecte des déchets de production auprès de ses clients et de la récupération
sur les chantiers d’anciennes menuiseries PVC

 

 

Lors du dernier salon Equipbaie, Deceuninck a d’ailleurs fait sensation en y présentant une fenêtre 100 % recyclée ayant servi sur un chantier pilote aux Pays-Bas. Un produit qui en l’état ne trouvera pas de débouchés étant donné le pourcentage de matière recyclée autorisée en France par le CSTB. Mais la tendance est bien là, et ce qui n’est encore qu’un marché de niche pourrait bien trouver son public dans les années à venir avec un profilé devenu standard. Car les signaux sont tous au vert. Si les profilés coextrudés proviennent tous de la plateforme belge pour ensuite être dispatchés sur les marchés à l’international, la demande est telle que Deceuninck est en train de revoir totalement son déploiement industriel. La France recevra ainsi au second semestre 2022 sa première machine coextrudeuse dans son unité de Roye. Une première livraison qui sera suivie de quatre autres unités d’ici 2024 et qui portera l’investissement à 2 M€ cette année. Somme à laquelle s’ajoutera 1M€ par machine réceptionnée. Dans les mois à venir, d’autres pays recevront également leurs exemplaires, répondant ainsi à une demande mondiale qui explose. « Les réglementations en vigueur dans de nombreux pays où nous sommes implantés, nous demandent d’utiliser un maximum de PVC recyclé », poursuit Christelle Eckert. « Nous devons dès lors nous adapter très rapidement en équipant nos outils de production en conséquence. Le marché est en train de changer et nous devons épouser la tendance à l’optimisation de la matière première ».

 

 

 

© Deceuninck

La fenêtre composite Zendow#neo ThermoFibra issue de Linktrusion, la nouvelle technologie
de métissage de la matière développée par Deceuninck ; cette fenêtre en PVC et fibre
composite continue, répond aux critères de performances, de design et d'écologie

 

 

Changer l’image du PVC

La coextrusion au centre des attentions, un fait d’autant plus probant que Deceuninck s’apprête à lancer courant 2022 une nouvelle gamme de profilés de fenêtres constituée en majeure partie de PCV de seconde vie. Baptisée Elegant, cette nouvelle offre, hormis le fait d’incorporer de la matière recyclée, proposera un design totalement renouvelé penchant vers un look de type aluminium grâce notamment à des profilés beaucoup plus fins. La gamme Elegant sera en outre disponible en PVC standard ainsi qu’en ThermoFibra, des personnalisations notamment des ouvrants particuliers étant proposées en fonction des marchés locaux. Dans ce long processus de glissement du monomatériau à la diversification tous azimuts, le groupe belge n’en oublie pas moins que le PVC demeure dans son ADN. Son credo : sortir du discours PVC en lui donnant un aspect moderne, et communiquer sur son côté design, performant, isolant, fin ou encore coloré. Fini donc l’aspect plastique et blanc du PVC d’antan.

Le ThermoFibra avait du reste lancé le mouvement en se présentant, non plus comme un plastique lambda, mais comme un matériau différent, un produit composite totalement réinventé. « Par rapport à nos confrères de l’aluminium, nous sommes très en retard car nous sommes restés très longtemps frileux pour redorer l’image de la fenêtre PVC par exemple », juge Christelle Eckert. « Nous sommes donc sur une question d’image, et pour cette raison nous voulons convaincre, avec notamment des gammes composites qui sortent du discours traditionnel sur cette matière vue comme bas de gamme et ancrée dans les années 70. Nous voulons prouver que le PVC a fait sa révolution. Il suffit pour cela de voir à quel point nos profilés se sont affinés. Dans notre communication, nous ne mettons plus jamais de visuels de fenêtres blanches standards car nous voulons faire comprendre que le PVC, c’est la couleur, c’est le design, c’est la décoration, y compris en menuiserie intérieure ». En clair, le PVC est mort, vive le PVC !

 

 

 

© Deceuninck

Avec Elegant, Deceuninck ouvre de nouveaux horizons pour les architectes et les fabricants
de fenêtre. Cette nouvelle gamme de menuiserie allie les avantages de la circularité
à un design tendance très épuré. L’épaisseur de feuillure de l’ouvrant est de 7 mm
dans sa version fibrée. Résultat : un minimalisme et une modernité unique.
Cette nouvelle gamme pionnière a déjà été récompensée par un German Design Award,
un Red Dot Award et un Design regio Kortrijk Award

 


© Deceuninck
Source : verre-menuiserie.com

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