L’acoustique, garant de la santé et du confort des occupants des bâtiments

Après le transport, le bâtiment est un secteur responsable des risques liés au bruit. C?est pourquoi il se mobilise et engage des actions visant à réduire les nuisances.

L' essentiel des coûts provient du transport (68 %), avec notamment le bruit routier qui représente 52 % des coûts, le bruit aérien 9 % et le bruit ferroviaire 7 %. Néanmoins, environ 17 % du coût total (26,3 Mds € par an) émane aussi du voisinage : 11 % pour les seuls bruits des particuliers, 3 % émanant des chantiers et 2 % d’autres activités. Le secteur du travail apparaît également dans le collimateur puisqu’il est responsable de 14 % du coût total. Enfin, l’étude pointe les dépenses de surveillance et de R&D (1 %).


Le bruit représente un véritable enjeu de santé publique. En 2018, un rapport de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé) a alerté des risques environnementaux pour la santé physique et mentale et le bien-être des habitants en Europe. Alors que la pollution sonore augmente, ce document livre des preuves des effets du bruit ambiant sur l’appareil cardiovasculaire et le métabolisme, et met en lumière l’inclusion de nouvelles sources de bruit (éoliennes, loisirs), etc.

 

Les auteurs du rapport de l’Ademe et du Conseil national du bruit ont analysé quatre mesures d’évitement simultané du bruit et de la pollution de l’air. Elles permettent de réduire les coûts sociaux liés aux deux types de nuisances, dont la source est souvent commune. Quatre mesures spécifiques au transport routier, aux établissements scolaires et aux chantiers. Parmi elles, la mesure portant sur la qualité acoustique des bâtiments. Le rapport révèle notamment le surcoût lié à la rénovation pour la dimension acoustique des établissements scolaires.


« Considérant que le niveau sonore est susceptible de diminuer de 15 dB(A) dans les établissements scolaires exposés à des dépassements de seuils grâce au remplacement des fenêtres, et que ce bénéfice se maintient sur 30 ans, il est estimé que cette mesure présente un ratio annuel bénéfices / coûts de 10 (en ne considérant que le surcoût de la rénovation lié à la dimension acoustique, et en occultant ici, faute de données, les bénéfices lies à l’amélioration de la qualité de l’air) », écrivent ses auteurs. Un bel argument commercial pour les menuiseries !


Une demande en hausse


« Dans le bâtiment, la demande acoustique augmente, nos clients sont de plus en plus sollicités sur ce point et cette tendance devrait encore progresser », estime Grégory Meunier, responsable support technique, SapaLogic et formation chez Sapa. Pour autant, « ce n’est pas le critère principal auquel pensent les clients qui souhaitent changer leurs fenêtres, car ils s’intéressent d’abord à la performance thermique », observe Aude Richard, chargée de communication d’Internorm, « sauf dans des environnements particuliers (grandes villes bruyantes, route devant l a maison, proximité d’usines, etc..) ». Le traitement de l’acoustique est d’autant plus complexe que la perception du bruit est personnelle…

 

Le SNFA a publié un guide pratique sur l’acoustique © SNFA

 

Comment les acteurs du bâtiment peuvent-ils appréhender le sujet ? Le SNFA a publié au mois de mars 2021 un guide afin de les accompagner au niveau des façades rideaux et semi-rideaux. Ce guide présente les principes de l’acoustique du bâtiment ainsi que les textes fixant des exigences acoustiques réglementaires, normatives et de certifications d’ouvrage. Il explique comment la façade légère participe à la réduction des bruits extérieurs, ainsi qu’à la limitation des bruits intérieurs entre locaux. Des règles de conception simplifiées avec des ordres de grandeur permettent de mieux comprendre les moyens à mettre en oeuvre. En détail, il rappelle que l’isolement des bruits extérieurs provient de la performance des vitrages, des ouvrants et du nombre de peaux. Alors que pour contrer les bruits intérieurs, il faut agir sur l’ossature de la façade. Une façade cadre aux éléments préfabriqués plus ou moins désolidarisés obtient de très bons résultats. Avant cela, l’UFME et le SNFA ont publié conjointement leurs recommandations professionnelles (octobre 2020) pour la "Détermination des performances énergétiques et acoustiques type des fenêtres et portes extérieures". Preuve que le secteur s’empare du sujet. Les performances acoustiques peuvent être établies soit par essais, soit en utilisant des valeurs tabulées suivant la norme NF EN 14351-1.


Des outils logiciels pour vous aider


Comment prévoir les futures performances acoustiques ? « Nous avons développé un logiciel (Sapa Acoustic®) qui permet de simuler les performances acoustiques des menuiseries en partenariat avec le laboratoire acoustique Gamba », répond Grégory Meunier. Basé sur plusieurs essais réels avec différents vitrages et dans différentes dimensions, le logiciel parvient à livrer des résultats par déduction et extrapolation de données. « Les résultats par rapport à un essai réel oscille à plus ou moins 1 dB », se félicite le responsable support technique, SapaLogic et formation. Sapa propose cet outil à ses clients, mais le plus fréquemment, « ils nous demandent de réaliser les simulations », précise-t-il. Les résultats leur évitant de choisir un produit surperformant par rapport aux besoins, et donc de se positionner au niveau prix. « Le logiciel se décline chez Wicona et Technal autour du même moteur de calcul », ajoute Grégory Meunier.

 

Sapa Acoustic®, logiciel de simulation de performances © Sapa

 


Schüco a annoncé dès Batimat 2019 le lancement de deux outils le "SoundCal" et le "Digital Acoustics Lab", afin de déterminer l’effet insonorisant des éléments de fenêtres et façades. Le premier calcule l’indice d’affaiblissement acoustique pondéré RW pour les fenêtres et façades Schüco, le second – application stockée dans le cloud – permet aux architectes et professionnels de déterminer les effets des émissions sonores sur les produits Schüco.


Le verre, point faible de la fenêtre


L’élément le plus important pour améliorer la performance d’une fenêtre reste le vitrage. Un verre de base (double ou triple) a un abaissement acoustique de l’ordre de 34 dB. C’est dans le cas d’une construction standard le point faible de la fenêtre. Le dB de la fenêtre se "cale" sur cette valeur. Ajouter de l’épaisseur sur le verre standard (passer d’un verre de 4 mm à un verre de 6 mm ou 8 mm), le rend sensiblement plus performant.

 

Fenêtre KF 410 en triple vitrage phonique – © Internorm

 


Internorm fabrique 100 % de ses double (ou triple) vitrages à partir de verrefloat de chez Saint Gobain. « Pour déterminer la performance du vitrage, nous nous appuyons sur les données fournies par ce verrier (ou sur les calculs issus du logiciel Calumen mis à disposition par Saint Gobain). En revanche, les modèles de calcul n’étant pas encore suffisants, courants et performants pour les fenêtres, nous réalisons des PV d’essai sur banc (fenêtre vitrée), dans un laboratoire accrédité selon la norme en vigueur (EN SIO 10140 et EN ISO 717) », déclare Aude Richard. Chez Internorm, « le multichambre du dormant ouvrant améliore sensiblement la performance phonique de la partie profilée. Mais c’est surtout la présence d’un 3e joint qui permet d’obtenir une fenêtre très performante. Grâce à lui, le dormant et l’ouvrant ne présentent pas de point faible », argumente-t-elle encore.

 

« La technologie I-Tec Vitrage (vitrage collé sur le pourtour du vantail ouvrant) permet de supprimer le renfort métallique dans l’ouvrant et améliore légèrement la performance de la fenêtre en évitant tout transfert de bruit par résonance métallique, et surtout garantit un maintien constant et optimal du vitrage sur l’ouvrant. Le verre ne peut pas vibrer », poursuit Aude Richard. L’ouvrant et le vitrage font corps.

 

« L’acoustique fait partie de nos préoccupations depuis de nombreuses années. La fenêtre représente la liaison entre l’extérieur et l’intérieur, elle participe au confort des occupants, mais bien sûr, comme elle ne représente que 20 % de l’enveloppe, elle n’est pas la seule responsable des performances », explique à son tour Christophe Bieber, responsable prescription chez Bieber. Comment communiquer sur le sujet et conseiller les clients ? « Nous aimons bien faire appel à un acousticien en amont afin qu’il établisse une cartographie et détermine les valeurs à mettre en oeuvre », martèle Christophe Bieber. Le sujet est complexe et normé. Des confusions peuvent conduire à des erreurs. « Selon l’unité choisie, les performances et les prix diffèrent », prévient-il encore, d’où la nécessité de clarification. « Lorsqu’un acousticien a rendu son analyse, il n’y a pas de litiges possibles », glisse-t-il. Au niveau des produits, « le mixte bois-aluminium nous offre un avantage concurrentiel indéniable, nous disposons de tests prouvant l’efficacité acoustique sans compromis sur les performances thermiques », assure Christophe Bieber.

 

Le mixte aluminium-bois Bieber, des performances acoustiques ici au service d’une crèche © sergio-grazia

 


La toiture de véranda, point singulier


Dans l’habitat individuel, les toitures de vérandas sont source de nuisances sonores, notamment à cause de la pluie. AV Composites a développé une gamme de panneaux spécifiques afin de réduire les bruits d’impact. La véranda est devenue une véritable pièce à vivre, les particuliers l’utilisent comme salon ou salle à manger, il apparaît légitime de vouloir y regarder la télévision ou de discuter tranquillement.


« Pour une toiture moyenne de 20 m², une réduction de 3dB équivaut à subir deux fois moins de bruit. Bien sûr, je ne traite ici que de la toiture, alors que d’autres éléments entrent en ligne de compte, comme les profilés et le verre », expose Fabrice Gravier, codirigeant d’AV Composites. Pour obtenir des résultats, « AV Composites joue sur l’accumulation de différents matériaux composant les panneaux. Plus on empile des matériaux de densité différentes, plus on casse la propagation sonore car la vitesse de transmission ralentit entre les couches dures et les couches souples », démontre-t-il. Les produits d’AV Composites peuvent comprendre jusqu’à six types de matériaux. Le panneau Phonic Silence Tri-couche Membrane pour véranda Novatoit® acoustique est ainsi composé d’une âme isolante en polystyrène extrudé, d’un système élastifié central et d’une membrane extérieure. « L’élasticité joue le rôle d’amortisseur », commente Fabrice Gravier. Le panneau assure une double amélioration acoustique au bruit d’impact grâce à la membrane extérieure qui bloque la mise en vibration du parement aluminium extérieur et en transmission. « Notre bureau d’études travaille à la mise au point d’un panneau "zéro dB" que nous avons testé en interne, ainsi qu’au CSTB – où il a obtenu 12 dB – ce qui est excellent, et dont nous prévoyons la commercialisation en 2022 », annonce Fabrice Gravier.

 

Bardages à ventelles filantes DucoWall Acoustic 300 - © Duco

 

Isolation et ventilation


Un des poils à gratter du secteur provient des grilles d’aération installées sur les fenêtres. Aujourd’hui dans le neuf, elles disparaissent au profit de système double-flux ou sont gérées par le lot ventilation et non par les menuiseries. Pour répondre aux besoins des chantiers individuels, plusieurs fabricants se sont mobilisés. Schüco se positionne avec le système de fenêtre AWS 90 AC.SI qui combine réduction du bruit et ventilation naturelle. En position de ventilation, le bruit est absorbé par un joint d’étanchéité central développé spécifiquement selon l’industriel. En position oscillo-battant le système diminue le bruit de 31 dB.


« La question acoustique prend de l’importance », confirme Olivier Fabre, directeur commercial France de Renson, « surtout compte tenu de l’engouement pour la ventilation naturelle, car lorsque l’air rentre, le bruit aussi… ». En Belgique, les exigences en matière d’aération sont apparues plus tôt qu’en France. « Les aérateurs à fort débit sont déjà installés dans les écoles belges par exemple, la réglementation impose des débits plus haut (25 m3/heure/élève) alors qu’en France, l’obligation se limite à 15 m3, même si de plus en plus de bureaux d’études réclament de meilleures performances », explique-t-il. Renson a pris de l’avance sur le marché en adaptant ses produits. L’industriel lance en France la commercialisation de Sense, un système de mesure du taux de CO2 dans l’air ambiant doté d’un capteur afin de contrôler le niveau sonore. Le boîtier se branche facilement sur une prise USB et fonctionne en Wifi comme une appli.

 

 

Warema optimise l’insonorisation avec son caisson modulaire pour bâtiment neuf

 

© Warema

 

Pour Warema, l'insonorisation revêt de plus en plus d'importance dans la construction urbaine. Son caisson pour brise-soleil orientables optimisé contre le bruit – médaille d’or "Solutions spéciales" aux Prix de l’Innovation R+T digital 2021 – garantit des valeurs d'isolation acoustique nettement améliorées. La nouvelle structure de caisson avec une nouvelle isolation, pour laquelle un brevet a été déposé, réduit sensiblement le niveau sonore dû aux bruits extérieurs. Cette solution répond aux exigences accrues en termes d'isolation acoustique.

 

Quid de l’affaiblissement acoustique des produits d’aération ? « Nous rajoutons de la mousse acoustique avec différentes densités et profondeurs selon le besoin, l’arbitrage est technique selon les demandes du bureau d’études ; nous proposons des modèles pouvant atteindre 39 dB », décrit Olivier Fabre.


Chez Duco, François Laurent, responsable des ventes France, admet « commencer à développer une gamme de produits de grille et bardage à ventelles qui prennent en compte la dimension acoustique ». Quelques exemples : DucoGrille Acoustique G 150, grille murale à montage encastré, réalisée en profilés extrudés en aluminium, présente en face intérieure des lamelles recouvertes de laine minérale. L’aérateur isophonique à clapet autoréglable DucoMax ZR comprend de la laine de roche isolante qui amoindrit le son. « Il convient aux situations de nuisances élevées », conseille François Laurent, « il se pose par-dessus la menuiserie ou entre le vitrage et le dormant ». Le bardage à ventelles DucoWall dédié aux établissements publics et au tertiaire intègre également une isolation acoustique à base de laine de roche isolante… L’évolution des produits montre à quel point le bâtiment prend en compte la dimension acoustique.

 

 

Façade antibruit DucoWall à Amsterdam

 

© Duco


La demande de nouvelles constructions dans les grandes villes explose, à l’inverse de l’espace disponible et terrains à bâtir. Dès lors, les emplacements libres semblent de prime abord moins adaptés à un bâtiment résidentiel. C’est le cas de la tour résidentielle State en face de la zone industrielle Westpoort à Amsterdam, où les surfaces constructibles se font de plus en plus rares. Buro Bouwfysica et Duco Ventilation & Sun Control, qui ensemble, ont cherché une solution réalisable pour le confort des résidents malgré une situation source de nuisances sonores. « La tour résidentielle State est unique avec une façade antibruit spécifique formant une cloison », explique Jan Hardlooper, conseiller acoustique chez Buro Bouwfysica ; « une exception à la règle, car durant la phase préparatoire à la demande du permis, la règle qui stipule que tout un côté d’une maison doit posséder des propriétés antibruit s’est vue modifiée entre temps par la commune d’Amsterdam. La ville a modifié sa politique, en raison notamment de sa mise en application dans le cadre de projets tels que celui du State, de sorte qu’un côté silencieux peut être réalisé en cloisonnant une partie de la façade ».

 

 

(1) Ademe, I Care & Consult, E?nergies demain, Douillet Maia, Sipos Gala, Delugin Léna, Bulliot Benoît, Remontet Lucas, Bidault Elsa. 2021. Estimation du coût social du bruit en France et analyse de mesures d’évitement simultané du bruit et de la pollution de l’air. 74 pages. Cet ouvrage est disponible en ligne https://librairie.ademe.fr/

 

V.M.
Photo ouverture : © Schüco
Source : verre-menuiserie.com

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